
Afin de réduire l’hégémonie occidentale, notamment américaine, sur le monde de la finance, et par-delà sur l’économie mondiale, la Russie et la Chine ont décidé de passer à la vitesse supérieure en annonçant l’abandon du dollar comme monnaie d’échange. Il est vrai que les sanctions économiques prises par les pays européens et les Etats-Unis contre la Russie avec l’avènement du conflit ukrainien ont contraint ce pays à chercher de nouvelles armes dans le domaine de la finance pour faire face à la crise.
Connues
 pour leur proximité pas seulement géographique, mais aussi et surtout 
stratégique, la Russie et la Chine semblent décidées à élargir leur coopération à
 d’autres domaines. En plus de travailler ensemble et de se concentrer 
sur l’affaiblissement de la suprématie du dollar comme monnaie 
internationale, les deux superpuissances prévoient, en effet, la 
création de leur propre agence de notation et d’une banque de développement, et de systèmes de paiement concurrents de MasterCard et Visa. Les pays occidentaux ont longtemps dominé les marchés financiers.
Le
 dollar demeure (pour l’instant) la monnaie de réserve mondiale, les 
agences de notation américaines, S & P, Moody et Fitch, sont les 
seules à réellement faire autorité pour évaluer la solvabilité des 
entreprises et des gouvernements, et le FMI est encore dominé par les 
Occidentaux. Mais avec les initiatives récentes de la Chine et de la 
Russie, cela pourrait bientôt changer. Les deux pays sont relativement 
mal cotés (la Chine est cotée AA- et la Russie BBB) par les trois 
grandes agences de notation (alors qu’elles décernent encore la 
meilleure note aux Etats-Unis, AAA), ce qui a pour conséquence 
d’augmenter les taux d’intérêt qu’ils doivent payer sur leurs 
obligations, et dissuader les investisseurs de leur prêter de l’argent. 
La cote de la Russie a été dégradée par S & P et Moody après 
l’annexion de la Crimée. La nouvelle cote qu’elle a attribuée au pays, 
«BBB» (qualité moyenne inférieure), n’est plus qu’un grade au-dessus de 
celle réservée à la pacotille.
Une
 telle situation a poussé les Russes à réagir promptement face à cette 
hégémonie américaine. Et les choses semblent aller rapidement si l’on 
juge par le temps très court qui s’est écoulé entre l’annonce faite le 
14 août dernier par le président Vladimir Poutine de vendre désormais 
son gaz en
 devises nationales et non plus en dollar américain et l’accélération de
 la coopération sino-russe. Il n’aura donc pas fallu attendre longtemps 
pour que Moscou mette au point un accord global avec la Chine allant 
dans ce sens. L’agence de presse russe RIA Novosti, qui cite la revue Kommersant,
 va même jusqu’à annoncer que le gouvernement russe a d’ores et déjà 
expédié deux navires vers l’Europe avec à leur bord 80 000 tonnes de 
pétrole qui seront réglées en rouble et non en dollar, du jamais vu.
Une
 autre mesure prise par la Russie et la Chine pour saper la puissance 
financière de l’Ouest est la mise en place d’une banque de développement
 privée en concurrence directe avec le FMI. Le manque de 
représentativité du FMI, où les pays émergents n’ont qu’un pouvoir de 
décision très faible, est une critique récurrente. Le géant économique 
qu’est la Chine, la seconde puissance économique qui pourrait même 
passer première cette année, y détient toujours moins de droits de vote 
que la Grande-Bretagne, par exemple.
La
 Russie envisage également la création d’une «union économique 
eurasienne» dans laquelle le rouble servirait de monnaie d’échange 
centrale. De son côté, la Chine souhaite développer l’usage du renminbi 
dans les transactions internationales. En outre, le président russe, 
Vladimir Poutine, a émis le souhait de concevoir un système national de 
paiement pour concurrencer les géants américains de paiement Visa et 
Mastercard. L’annonce de ces décisions a été accueillie avec beaucoup 
d’appréhension en Occident. Le journal allemand Die Welt,
 par exemple, compare ces initiatives pour mettre fin à la domination 
financière de l’Occident à la course aux armements pendant la guerre froide, et il évoque «une guerre financière
 avec l’Occident». Il est vrai que l’hégémonie américaine sur l’économie
 mondiale à travers le dollar n’a jamais souffert d’une quelconque 
contestation depuis… 1945.
Amine Sadek
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