samedi 11 novembre 2017

RWANDA/ CONFÉRENCE-DÉBAT SUR LE RWANDA EN DATE DU 24 AVRIL 2015 A TOURNAI EN BELGIQUE


CONFÉRENCE-DÉBAT SUR LE RWANDA EN DATE DU 24 AVRIL 2015 A TOURNAI EN BELGIQUE 


Étaient invités tous les amis d’Afrique centrale, toutes les personnes ayant envie d’en savoir plus sur la situation qui prévaut dans la Région des Grands Lacs (Rwanda, Burundi, République Démocratique du Congo), 21 ans après la tragédie rwandaise qui a coûté la vie à des millions de Rwandais et de Congolais ainsi qu'à des milliers d’autres personnes dont notamment des Burundais, les dix casques bleus belges ainsi que des missionnaires espagnols et canadiens. 

L’Invitation a été lancée par l’Association  « Initiative Humanitaire pour la Région des Grands Lacs » dirigée par Monsieur Enock NSENGIMANA.  

Les conférenciers sont des Belges et des Africains qui jouissent d'une connaissance approfondie des problématiques de  la Région des Grands Lacs. Il s’agit du Colonel Luc MARCHAL, ex-Commandant des Casques Bleus belges de la MINUAR (Mission des Nations Unies au Rwanda), de Chris DE BEULE, Président de SOS Rwanda - Burundi et coauteur du livre "Autel Rwanda",  et de JosephBUKEYE, Professeur d'économie et 2ème Vice-Président des Forces Démocratiques Unifiées (FDU-INKINGI)Monsieur  Michel NIYIBIZI a joué le rôle de modérateur. 

Plus de 100 personnes étaient réunies ce soir-là pour entendre parler et débattre de la tragédie rwandaise et de l'insécurité qui prévaut dans la Région des Grands-Lacs. Les participants devaient échanger sur ce qui s’est passé au Rwanda et dans la région des Grands-Lacs depuis octobre 1990, à savoir un drame permanent assorti d’une mémoire sélective pour les victimes et une situation  qui reste explosive dans ce coin du monde. Le Burundi n’était pas encore enflammé. 

Le Colonel Luc Marchal a fait état de nombreuses questions qui continuent de se poser notamment sur l’attentat contre l’avion du président Habyarimana Juvénal.  Plus de 20 ans après, aucune enquête n’a encore été diligentée. Le conférencier a fait le point sur cette affaire indissociable de l’exploitation des richesses du Congo et qui se place dans le cadre d’un coup d’Etat opéré au Rwanda par l’administration Clinton  après l’embourbement des USA en Somalie. 

Le juge Louis Bruguière s’est intéressé à l’attentat du 06 avril 1994, dont les auteurs sont des éléments du Front Patriotique Rwandais opérant au nom de Paul Kagame. Les conclusions de ses enquêtes ont provoqué une dégradation des relations entre le Rwanda et la France car le juge venait de démontrer que l’attentat avait été perpétré par les éléments du Front Patriotique Rwandais à l’aide des missiles lancés à partir de la localité de Masaka. 

Le juge Louis Bruguière sera remplacé en juin 2007 par les juges Marc Trévidic et Nathalie Poux  qui, manifestement, ne visaient que le réchauffement des relations diplomatiques entre la France et le Rwanda. Ils ont alors mené une enquête truquée, ne reposant que sur des témoins non fiables. 

Les juges français et espagnols ont débuté leur enquête en 1998. En mars 2004, le journal Le Monde en a révélé le contenu qui indiquait que Paul Kagame et certains de ses Officiers étaient impliqués dans l’assassinat du président du Rwanda, Habyarimana Juvénal, du président du Burundi, Cyprien Ntaryamira, et de leurs proches collaborateurs.  Les auteurs visaient à décapiter le pouvoir dans ces deux pays, et c’est cela qui explique que ce qui s’est passé au Rwanda le 06 avril 1994 est un coup d’Etat à voir tous les témoignages impliquant le FPR et à en croire la congressiste américaine McKinney Cynthia. Envoyée spéciale de Bill Clinton en Afrique, celle-ci a révélé que l’attentat du 6 avril 1994 contre le président rwandais était  uncoup d’Etat. Elle a affirmé que le gouvernement Clinton avait décidé de changer de régime au Rwanda. C’est pour cela que Paul Kagame est arrivé au pouvoir par la violence et la guerre. 

En 2004, le Rwanda a voulu se disculper et a créé une commission dirigée par Jean de DieuMucyo. A titre de représailles, ladite commission ne visait qu’à inventer des crimes pour salir la France en l’accusant d’avoir trempé dans le génocide en soutenant le gouvernement du Président Habyarimana.  C’est en fait en novembre 2006 que la rupture des relations diplomatiques entre le Rwanda et la France a débuté. Quant à la commission présidée par JeanMutsinzi, elle verra le jour en avril 2007 dans le but de charger les Hutu de l’assassinat d’un président issu de leur ethnie. 

Il a fallu attendre novembre 2009 pour la reprise des relations diplomatiques entre le Rwanda et la France et, pour détourner la vigilance de l’opinion internationale, que les deux juges français fassent semblant d’entendre les officiers du Front Patriotique Rwandais à Bujumbura sur l’attentat contre l’avion présidentiel. Pourtant, le Colonel Patrick Karegeya, ancien chef des services de renseignement extérieur rwandais, ne fut pas écouté car il risquait de dévoiler toute la réalité des faits. Il sera plutôt assassiné en décembre 2013 pour le faire taire à jamais alors qu’il était un témoin-clé et fiable du coup d’Etat susvisé. 

Les juges Marc Trévidicet Nathalie Poux rendront un rapport tronqué en mars 2011. Ils recourront à un expert en acoustique qui ne s’était pas déplacé avec eux lors de leur mission rogatoire au Rwanda. En outre, ledit expert  donnera ses explications sur l’attentat à partir d’un missile non identifié comme étant du genre de ceux utilisés pour descendre l’avion présidentiel en avril 1994.  L’enquête fut donc ainsi déjà vidée de toute sa substance. 

Le 10 janvier 2012, la presse française et belge fait état du rapport Trévidic,  et ce qui est étonnant, son contenu est révélé avant qu’il ne soit officiellement publié. Il était à la fois faux et incomplet d’autant plus que les témoins fiables n’avaient pas été entendus, et parmi eux, Emile Gafirita, enlevé plus tard à Nairobi en novembre 2014. Ce rapport essayait de contredire l’affirmation de Louis Bruguière quant à l’endroit d’où les missiles avaient été tirés pour disculper en même temps les éléments du FPR. Des témoins fiables avaient pourtant clairement affirmé et prouvé que les missiles avaient été lancés à partir de Masaka et non du camp de Kanombe. Le professeur Filip Reyntjens était d’ailleurs arrivé à la même conclusion après une longue étude et maints recoupements de témoignages. Le rapport Trévidic est donc simplement fondé sur des témoignages arrangés. 

Les parties requérantes représentant les victimes de l’attentat du 06 avril 1994 ont demandé une contre-expertise, mais les deux Juges ont refusé. Il faudra attendre la décision de la Cour de Cassation qui prononcera un non-lieu ou décidera de procéder à un jugement. 

Quant à l’enquête espagnole, le Juge d’instruction Fernando Andreu Merelles a émis quarante mandats d'arrêt à l'encontre des officiers supérieurs de l'armée rwandaise pour actes de génocide, crimes contre l'humanité, crimes de guerre et terrorisme commis au Rwanda et en République démocratique du Congo (RDC) entre le 1er octobre 1990 et 2002. La justice espagnole avait été saisie, en 2000, par des proches de victimes espagnoles tuées au Rwanda et par des organisations rwandaises en exil. Dans son arrêt, le juge Fernando Andreu Merelles se déclare incompétent pour engager des poursuites contre le président rwandais, Paul Kagame, en raison de son immunité en qualité de chef d'Etat. L’affaire reste en instance. 

Monsieur Chris De Beulea esquissé le réseau d'analyse des conflits et clairement démontré qu'en Afrique centrale, tout événement s'explique par tribalisme alors qu'il existe d'autres forces du mal. Le conflit y est complexe et il serait erroné de tout centrer sur l'ethnisme. Les forces qui agissent sur la société sont d’ordre économique, territorial, logique ou culturel. Ces forces agissent d'une manière verticale au niveau local, national, régional, international et transnational avec en plus une trame qui insère un intérêt individuel dans le conflit, de telle manière qu'un individu peut y jouer une importante influence. 

Monsieur Chris De Beule a ensuite esquissé le schéma de croissance économique au Rwanda avec des preuves à l'appui, sans oublier de souligner le pillage du Congo qui dope l'économie rwandaise en plus des aides extérieures. Le blocage de l'aide provoque la chute de la croissance. La question qui se pose est de savoir à qui profite la croissance économique. Face à cette question, les autorités rwandaises partent des données fausses pour expliquer cette puissance et son impact sur la vie des citoyens puisque certains rapports externes montrent que 60 % de la population sont en-dessous du seuil de pauvreté. Les gens observent et se taisent. 

Plusieurs chiffres sont incorrects. Ainsi, il paraîtrait que l'armée ne compterait officiellement que 35,000 hommes et ne consommerait que 1,5% du budget national : ce qui présente erronément le Rwanda comme le pays le plus pacifique du monde. 

Par ailleurs, la diaspora rwandaise contribue à l’économie rwandaise à hauteur de 170.000.000 de dollars par an. Le conférencier, avec grand humour, relève que la diaspora essaie de combler les lacunes de l’économie que le gouvernement rwandais ne cesse de présenter comme performante. 

Pour Monsieur Joseph Bukeye, le Rwanda ne connaît aucune stabilité malgré ce que les autorités et les visiteurs du Rwanda racontent. 

Il a notamment rappelé les massacres de Kibeho dont les victimes dépassent de loin en nombre (plus de 8000) celles pour lesquelles le président serbe Slobodan Milosevicété arrêté et jugé à La Haye. Il a donné beaucoup d'exemples des personnes tuées dont un enseignant pour lequel aucune enquête n'a été menée et un prisonnier menotté tué sous prétexte qu’il essayait de s'évader. Les gens sont tués et enterrés sans aucune enquête. C'est le cas du Dr Emmanuel Gasakure, ex-médecin personnel du président Paul Kagame qui a été assassiné alors qu’il était détenu par la police. 

Ainsi, en avril 2015, au cours d’une cérémonie de commémoration des victimes tutsi, un habitant est interpellé pour avoir osé dire que tout le monde a perdu ses proches dans le génocide et qu'il convient de commémorer la mémoire de toutes les victimes et ainsi favoriser la réconciliation nationale pour s'atteler à la construction du pays. 

Il a également cité des redevances énormes dues aux survivants tutsis du génocide par des citoyens non jugés ou qui n'étaient même pas nés en 1994. Pour lui, le geste de solidarité fait défaut car les citoyens sont forcés à réparer les dommages sans que leur responsabilité ne soit établie. Un journaliste qui a posé une question sur cette mesure injuste a été menacé. 

Pour Monsieur  Joseph Bukeye, le pays devrait se réconcilier avec lui-même, organiser autrement la période de commémoration et instaurer une Commission Justice et Vérité comme en Afrique du Sud. 

Il estime qu'une injustice, n'importe où, est une injustice partout et que ce qui se passe au Rwanda est une injustice et qu'il faudrait faire quelque chose pour l'éradiquer. Il croit que l'aide économique en provenance notamment de l’Occident devrait être conditionnée au respect des droits de l'homme et des libertés individuelles. 

Lors des questions, un participant a demandé où sont passés les casques bleus qui étaient  l'aéroport de Kanombe et qui ne témoignent pas. Ils étaient des témoins oculaires et auraient pu permettre de clarifier les faits. Pour le participant, ne pas interroger ces militaires est une autre manière de falsifier la vérité. 

Il lui fut répondu que certains militaires étaient en mission, au restaurant, au repos. Il y en a qui ont témoigné. Il n'y en a qu’un qui a vu partir les missiles. Il a été précis et son témoignage a démontré qu'un camp a préparé l'attentat et l'a exécuté. Il n'y avait pas beaucoup de militaires à Kanombe car Kigali était calme. 

Le Colonel Luc Marchal  a rappelé que le FPR a joué la politique de la chaise vide à partir du 25 mars 1994 lorsque les institutions devaient être mises en place. L'ONU venait de menacer de retirer ses casques bleus s'il n'y avait pas de changement. Les missiles lancés contre l’avion présidentiel ont donc semé le chaos et ont provoqué une situation de guerre. Il n'y a pas beaucoup de Rwandais qui comprenaient ou s’attendaient à ce qui s’est passé. 

Un autre participant a fait remarquer la présence des militaires américains à Bujumbura. Ce qui signifie que les USA savaient ce qui devait arriver au Rwanda en date du 06 avril 1994. 

Il lui fut répondu que le 8 avril au matin, l'Ambassadeur des USA a demandé que les casques bleus escortent les ressortissants de son pays qui devaient s'en aller car la situation était devenue intenable au Rwanda. Le Colonel Luc Marchal lui a dit que si les Américains devaient partir, ils allaient semer la panique. Le 09 avril, tous les Américains étaient rassemblés pour partir à Bujumbura où il y avait 250 hélicoptères d'attaque avant le 06 avril 1994. Ils étaient entrés au Burundi sans passer par la voie diplomatique et ils sont repartis 10 jours après l'attentat. Des marines étaient prêts à intervenir si les choses n'allaient pas bien. Les Américains ont d'abord dit qu'ils ne savaient pas avant d'affirmer que leurs satellites étaient centrés au-dessus de Kigali. Ils savaient donc quelque chose. La nuit du 06 au 07, tout était calme à Kigali. Mais ces Américains étaient prêts à intervenir si quelque chose n'allait pas comme prévu. 

Un participant parle de l'action d'Amnesty International qui défend les gens tels qu’Ingabire Umuhoza Victoire  alors que ceux qui vont à Kigali sont impressionnés par des buildings, des piscines dignes de belles cartes postales. 

Il lui fut répondu que ce n'est qu'un miroir d'une belle façade car la répartition de la richesse est fort restreinte et inégale. Les émigrés venus de l'Ouganda détiennent presque tout. La plus grande partie de la richesse se trouve entre les mains des militaires.  Le clivage est excessivement grand entre la ville et la campagne et le fossé ne cesse de grandir. 

Les témoignages de louange sont souvent faits par les acteurs eux-mêmes et ce sont eux qui font que certains pays comme la Hollande maltraitent les réfugiés rwandais, notamment le mari d’Ingabire Umuhoza  Victoire, Monsieur Muyizere Lin, et ceux qui sont orientés vers des activités politiques. 

Monsieur Joseph Bukeye se félicite de l’action d’Amnesty International qui est un organisme indépendant affichant le malaise qui prévaut au Rwanda. D'autres importants rapports, comme le rapport Gersonny, sont disqualifiés ou disparaissent. Par ailleurs, le Mapping Report n'a pas connu de suivi. Le record des réfugiés détenu par le Rwanda signifie que si les citoyens étaient contents du régime, ils ne le fuiraient pas. La fuite est un signe éloquent du malaise qui règne au Rwanda. 

Concernant la croissance économique, elle n’est qu’illusoire car, par exemple, la situation des enseignants qui sont mal payés fait qu’ils abandonnent leur profession qui, avant 1994, les plaçait dans la classe moyenne des citoyens du Rwanda. D’ailleurs, l’aide internationale est mal répartie, ne fût-ce qu’à voir les régions qui en profitent tel que le Mutara qui en engloutit une importante partie.  

Un participant se souvient du pardon demandé au Rwanda par un premier ministre belge au nom de la Belgique et ne comprend pas pourquoi la Belgique s'est excusée alors que les explications données montrent que rien ne lui est valablement reproché. Il suggère que les explications continuent pour informer les Belges de la réalité des faits. 

Une précision est alors donnée sur les enjeux de la guerre au Rwanda. Suite à leur échec en Somalie,  les Américains voulaient constituer une force militaire en se servant de Paul Kagame et Yoweri Museveni, sans l’implication directe des militaires américains. Un autre participant précise que les richesses du Congo ont, elles aussi, été convoitées avant de devenir un motif de guerre. 

Toutefois, il ne fallait pas tuer les Tutsi et les Hutu qui ont été liquidés pour justifier la guerre dans le but  notamment de renverser le régime du Soudan, même si l'autre face de la pièce était la richesse du Congo. 

Après la Conférence, un repas, composé en grande partie de spécialités de la région des Grands Lacs, a été proposé aux participants. Un grand chanteur rwandais, Régis BOBO, a égayé cette soirée placée sous le signe de la convivialité belgo-rwandaise. 
 
Fait le 25 avril 2015 par Ndangali Christophe, Juriste 

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