L’Église
catholique au Rwanda : Coupable ou Victime?
Par
Dr. Phil. Innocent Nsengimana
Depuis
quelques décennies, l’Eglise catholique au Rwanda fait objet de
nombreuses accusations qui, très récemment encore, ont poussé
l’épiscopat actuel à demander pardon. Celui-ci a regretté « que
des membres de l’Église aient violé leurs vœux d’allégeance
aux commandements de Dieu ». Ce pardon que certains n’ont pas
hésité à appeler « le repentir a minima » a suscité
une polémique si bien qu’il s’est avéré indispensable de
revisiter l’historique de cette institution. La lecture objective
des faits retrouvés qui ont caractérisé les rapports qui se sont
tissés entre l’Eglise catholique et différents gouvernements
rwandais depuis le début des années 60 jusqu’en 1993 permettent
de constater que la plupart des accusations sont des exagérations
voire des contrevérités. Ils permettent aussi, non seulement de
mesurer l’ampleur des pertes en vies humaines dont cette
institution a souffert, mais aussi de saisir la profondeur de
l’engagement de ses évêques, prêtres et laïcs dans la
dénonciation des injustices, des inégalités et de la violence qui
ont marqué le Rwanda postcolonial jusqu’en 1993. Enfin de compte,
les faits retrouvés montrent une autre facette de l’Eglise
catholique au Rwanda que les accusateurs veulent, consciemment ou
inconsciemment occulter. Avant et pendant la guerre déclenchée le
1er
octobre 1990, l’épiscopat catholique rwandais a prêché la paix,
la charité et l’amour fraternel, tout simplement il n’a pas été
écouté…
Introduction
Les
rapports entre l’État et l’Église ont été présentés de
diverses manières et le plus souvent dans une dialectique
controversée. Face aux défis auxquels le monde d’aujourd’hui
est confronté, certains n’hésitent pas à reprocher à l’Église
d’être absente dans sa prise de position ou d’être timide dans
ses approches, laissant ainsi prévaloir les seules positions de
l’État. Dès lors, l’Église inféodée à l’État se met en
marche. L’État domine les rapports et utilise l’Église pour des
fins politiques. Ainsi, l’Église perd son rôle d’autorité
morale et de contre-pouvoir pourtant nécessaire pour assurer la
protection tous azimuts des âmes à convertir. L’Église est vue
comme la courroie de transmission des directives en provenance de
l’État, bref, comme servante de l’État. Elle ferme les yeux et
devient complice devant
les injustices et les dérives autoritaires de l’État.
Au
de-là de cette variante extrême, il existe une autre qui est faite
de rapports où prédomine une collaboration équitable entre ces
deux pouvoirs. Il y a absence de volonté manifeste de domination ;
ce qui est privilégié, c’est la volonté de travailler ensemble
pour le bien-être
spirituel
et matériel de la même personne, à la fois fidèle de l’Église
et citoyen de l’État. Toutes ces variantes n’ont pas eu les
mêmes caractéristiques dans le temps et dans l’espace. Elles se
sont présentées différemment selon les époques, les acteurs
animateurs de ces variantes et les sociétés dans lesquelles elles
se sont exercées. La présente réflexion n’ambitionne pas
d’envisager l’étude des rapports entre l’État et l’Église
dans leur globalité mais plutôt de se focaliser sur lesdits
rapports à travers un cas concret qu’est le Rwanda.
Ce
dernier est en effet entré en contact avec les missionnaires « Pères
Blancs »,
fondateurs de l’Église catholique à la fin du XIXe- début XXe
siècles. Depuis lors, des rapports se sont tissés et leurs effets
ont contribué à l’évolution socio-politique de la société
rwandaise. Dans ma publication de 20031,
j’ai parlé de ces rapports et de ses effets sur la société
rwandaise pendant la période coloniale. Je n’y reviendrai pas.
Dans le présent écrit, je me consacrerai plutôt et surtout à la
période postcoloniale en raison de la controverse que suscitent les
rapports qui ont caractérisé l’Église et l’État durant cette
période. Cette controverse a été, ces derniers jours, accentuée
par « le
repentir a minima »
de l’actuelle Conférence épiscopale rwandaise face au rôle que
l’Église catholique aurait joué dans le génocide de 1994. Pour
certains, « la
demande de pardon des
évêques
est incomplète »2 ;
pour « le
collège d‘évêques, ces excuses ne concernent pas l‘église
catholique en tant qu’institution, mais plutôt ses fidèles ».
Et
l’évêque
Philippe Rukamba, Président de la Conférence épiscopale rwandaise
d’affirmer : « l’Église
n’a pas participé au génocide »3
Ces
différentes considérations poussent à faire un petit recul avant
le génocide, pour
voir comment les faits se présentaient afin de mieux cerner le
comportement de l’Église et surtout sa hiérarchie, aujourd’hui
accusée.
Pour
la clarté du texte, il sera d’abord question d’une brève
présentation des missionnaires « Pères
Blancs »,
à
l’aube de leur arrivée au Rwanda : où étaient-ils ?
Que faisaient-ils ?
Ensuite,
les exemples de faits qui ont marqué les rapports entre l’Église
et les autorités politiques du Rwanda indépendant à la lumière
des documents disponibles4
seront donnés. Enfin, avant de conclure, le point de vue sur les
exemples de faits relevés sera fait, ce qui conduira à rechercher
les éléments de réponses à la question essentielle :
L’Église catholique au Rwanda : Coupable ou Victime ?
I.
A l’aube de la pénétration des missionnaires « Pères
Blancs »
sur le territoire rwandais
Fermée
aux blancs laïcs jusqu’en 1894, la porte d’entrée sur le
territoire rwandais ne fut pas non plus ouverte aux missionnaires
chrétiens en général et aux missionnaires «Pères
Blancs»
en particulier. Pourtant, comme les blancs laïcs, ceux-ci étaient
arrivés en Afrique de l’Est peu après le début de la deuxième
moitié du XIXe
siècle. C’est en effet, en 1860, que, sous l’initiative de
l’Evêque de l’île de la Réunion, une équipe de trois prêtres
et de six religieuses fut envoyée vers l’île de Zanzibar.5
« Ces
premiers missionnaires s’occupèrent d’un hôpital, de deux
écoles où l’on accueillait des jeunes rachetés de l’esclavage
et d’un ministère auprès de la colonie européenne de l’île.
En 1862, la congrégation des Pères du Saint-Esprit vint remplacer
ces premiers représentants officiels du catholicisme. Six ans plus
tard en 1868, ces pères spiritains fondèrent le premier poste sur
le continent à Bagamoyo [...]. En 1877, les missionnaires de
Bagamoyo fondèrent un nouveau poste plus à l’intérieur du pays à
Mhonda.»6
Ces
premières initiatives des religieuses et des religieux en Afrique de
l’Est furent reprises à partir de 1878 par les missionnaires
«Pères
Blancs»:
«en
1878, dix Pères Blancs [...] partaient pour le centre de l’Afrique
où ils devaient se diviser en deux groupes, l’un destiné à
former le futur Vicariat apostolique du Victoria-Nyanza, l’autre
celui de Tanganyika.»7
Parmi
les missionnaires qui se dirigèrent vers le Vicariat apostolique du
Victoria-Nyanza et qui y fondèrent les premières stations
figuraient les Pères Livinhac et Lourdel. Quant au Vicariat du
Tanganyika il y eut pour missionnaire pionnier le Père Deniaud; le
Père Pascal qui accompagnait ce dernier étant mort en cours de
route.8
Au sein desdits Vicariats, ces missionnaires, aidés par leurs
confrères d’équipe, y érigèrent des stations:
Rubaga
en 1878, Rumonge en 1879, Tabora en 1881, Bukumbi en 1882 , Masanze
en 1880, Kibanga en 1883.9
Le
Vicariat apostolique du Victoria-Nyanza, regroupait les « territoires
correspondant actuellement à l’Uganda, Nord-Ouest du
Congo-Kinshasa et le Sud du Soudan »10,
tandis
que celui de Tanganyika, s’étendait sur « l’est
du Congo-Kinshasa, la moitié-Ouest de la Tanzanie et sur le Nord-Est
de la Zambie. »11
Ces
Vicariats furent ainsi définis par le décret de la Propagande de
1881.
En
ce qui concerne le Vicariat du Victoria-Nyanza dans lequel le
territoire rwandais allait être incorporé, il fut dès sa fondation
confié à Mgr Livinhac. Quand ce dernier fut nommé Vicaire général
de la Société des Pères Blancs en septembre 1889, il fut succédé
à la tête de l’immense Vicariat du Victoria-Nyanza par le Père
Jean Joseph Hirth, arrivé en Afrique centrale et plus précisément
au royaume du Buganda en 1887.12
Sacré
évêque le 25 mai 1890 par Mgr Livinhac lui-même avant son départ
pour son nouveau poste,13
Mgr
Jean Joseph Hirth s’empressa de réorganiser la chrétienté de son
Vicariat. « …Il souffrit
de la lutte sanglante entre les chrétiens ougandais, avec des
conséquences désastreuses pour la partie catholique. En 1892, la
résidence épiscopale de Rubaga fut détruite par les Anglicans.
Ceux-ci étaient armés par LUGARD de la compagnie britannique de
l’Afrique de l’Ouest, qui les aidait avec ses canons. Trois
autres postes furent démolis et deux autres saccagés. De nombreux
catholiques furent massacrés14
… Au bout de forces, Mgr Hirth fut obligé de se réfugier à
Bukoba où il recevait la protection des autorités allemandes.
Beaucoup de ses missionnaires le suivirent en exil15.
Ceux qui étaient restés en Ouganda devenaient prisonniers des
Anglais... »16
En
1894, le décret de la Propagande divisa Victoria-Nyanza en trois
Vicariats : Haut-Nil, Nyanza-Méridional et Nyanza-Septentrional.17
Mgr Jean Joseph Hirth devint Vicaire apostolique du Vicariat de
Nyanza méridional. «Ce
territoire ecclésiastique comprenait toutes les régions situées au
Sud du lac Victoria et englobées dans la colonie de l’Afrique
orientale allemande. Le Rwanda faisait partie de ce Vicariat et de
cette colonie.»18
I.1
Le territoire rwandais, point de mire des missionnaires
Déjà
dès 1890, Mgr Jean Joseph Hirth n’avait cessé de manifester son
intention de conquérir spirituellement le territoire rwandais. Il
manifesta ladite intention à plusieurs occasions.
En
effet, dans sa lettre du 1er février 1891 au Supérieur Général,
Mgr Jean Joseph Hirth écrivait: «je
désire ardemment former des catéchistes. Ceux-ci, j’espère les
envoyer bientôt dans toutes les directions [...] au Ruanda où Emin
Pascha va se rendre.»19
Écrivant
à son Supérieur Général en 1897, Mgr Jean Joseph Hirth lui disait
à propos du Rwanda:
« Mais
sur la côte Ouest où se fonde en ce moment la mission d’Uswi20,
il faudrait occuper sans retard le Rwanda. Tout le monde en dit
merveille, ce n’est pas là ce qui me séduit, mais il y a surtout
que les protestants ont des raisons toutes particulières pour nous y
devancer, comme ils ont essayé de le faire pour l’Uswi où ils ont
fait cette année 3 voyages. Il faudrait deux Pères pour cette
fondation [...]. »21
Dans
son entreprise de fonder des stations missionnaires sur le territoire
rwandais, Mgr Jean Joseph Hirth reçut l’aval et l’aide de la
part de son Supérieur Général, c’est ce qu’il exprima en ces
termes:
« Votre
Grandeur me parla du Ruanda. Je ne suis bien aise (sic) qu’elle
l’ait fait, je n’aurais presque osé entreprendre cette fondation
ne voyant quel supérieur en charger. Vous remercierai-je ici,
Monseigneur et bien Vénéré Père du nombreux renfort que votre
bonté veut bien nous envoyer, quoique nous n’ayons encore que peu
de succès à enregistrer, la bonne Providence voudra bien recevoir
les actions de grâce que nous vous rendons tous à ce sujet. »22
Cet
aval fut encore exprimé dans la lettre de Mgr Jean Joseph Hirth
datant de novembre 1899:
« C’est
surtout cette fondation au Ruanda que votre Grandeur elle-même m’a
invité d’entreprendre cette année qui m’empêchera d’assister
au chapitre: Vous voudrez bien excuser cette absence. Voyage pour
voyage, j’aurais bien cent fois préféré le chemin battu qui va à
la côte que le voyage d’aventures que je vais entreprendre. Sans
peine d’être devancé, je ne pourrais pas retarder d’un moment
notre pieuse expédition. Que Dieu nous garde et sa bonne Mère! On
dit qu’il y a là-haut dans ce pays fermé deux millions
d’habitants qui ne connaissent pas le don de Dieu. »23
I.
2 Les missionnaires en marche vers le Rwanda
En
novembre 1899, Mgr Jean Joseph Hirth était enfin près pour le
départ vers le Rwanda. Avant de quitter Bukumbi en direction d’Uswi,
la première étape de l’expédition vers le Rwanda, il écrivit
une lettre à son Supérieur Général en lui demandant la
bénédiction:
« Je
ne veux pas aujourd’hui quitter le Bukumbi sans venir vous demander
encore de vouloir bien recommander tout spécialement à Dieu notre
expédition au Ruanda qui sera loin d’être terminée au moment où
celle-ci pourra vous arriver. Nous rencontrerons sans doute bien de
difficultés, mais malgré tout nous avons confiance. Tout le monde
me dit qu’il faut faire un long détour par le Tanganyika pour
aller au Ruanda, je ne sais pas encore ce que nous pourrons décider
une fois arrivés en Uswi. »24
En
cours de route pour Uswi, Mgr Hirth écrivait encore à son
Supérieur Général:
« Je
suis en route pour Uswi où depuis deux ans nous avons une station
que je n’ai pas vue encore. De là, je dois me rendre dans la
partie Ouest du Vicariat au Ruanda pour essayer de faire une nouvelle
fondation; on y dit la population très dense [...]. C’est un pays
que les «ministres»25
vont bien nous disputer: ceux qui s’y sont rendus les premiers ont
rapporté qu’ils allaient soulever l’opinion en Angleterre en
faveur de ce pays bien plus qu’on ne l’a fait en faveur de
l’Uganda, les ‹ministres› allemands ne seront pas en retard. »26
Excepté
cette lettre écrite en cours de route vers la station de Katoke27,
en Uswi, toutes les autres lettres dans lesquelles Mgr Hirth
exprimait ses intentions et ses raisons de «conquérir»
spirituellement le territoire rwandais furent rédigées et envoyées
à son Supérieur Général à partir de Bukumbi où était érigée
la station Notre Dame de Kamonga et où il
résidait.
Bukumbi étant la résidence de Mgr Hirth, ce dernier devait faire
les premiers contacts avec les autorités du territoire rwandais à
partir de cette localité. Or, il se faisait que Bukumbi était situé
à vingt jours de marche du territoire rwandais,28
ce qui n’aurait pas facilité la tâche. Pour résoudre ce
problème, «Mgr
Hirth coupa la distance en créant la station de Katoke à proximité
du fortin allemand de Byaramulo [Biharamoulo:29
NDLR]. C’était le 12 novembre 1897 [...].»30
C’est
à partir de cette station que les missionnaires «Pères-Blancs»
entrèrent pour la première fois en contact avec la cour
« sindi-nyiginya ».
Après l’arrivée de Mgr Jean Joseph Hirth en novembre 1899, elle
servit également de lieu où se réalisèrent les derniers
préparatifs de l’expédition vers ledit territoire. Le Diaire
de la station de Katoke
fournit des renseignements sur ces premiers contacts ainsi que sur
ces préparatifs.
Après
la fondation de la station de Katoke, Mgr Jean Joseph Hirth en confia
la direction au Père Bernard Brard. Il lui donna pour mission, entre
autres, « d’entrer
en rapport avec la cour de Yuhi Musinga et de l’amener à
solliciter l’établissement des missionnaires dans son État.»31
Voici
comment le chroniqueur de la station de Katoke présente les moments
forts des premiers contacts entre les missionnaires «Pères-Blancs»
et le roi «sindi-nyiginya» Yuhi Musinga; c’était en 1898:
« 26
(juillet) – Une ambassade de six baganda part pour aller sonder les
dispositions de Yuhi roi du Ruanda [...]
-
Septembre 1898: ambassade au roi du Ruanda Yuhi, il a très bien reçu
nos envoyés, et il nous renvoie de ses hommes avec une défense
d’ivoire, il demande en même temps l’amitié, le pacte de sang
[...]
-
Décembre – 7 – Nos envoyés reviennent du Ruanda Yuhi est
toujours bien disposé, mais il ne veut pas entendre parler que nous
allions lui rendre visite chez lui. «Que le Blanc envoie me voir et
moi aussi j’enverrai le voir! Car s’il venait je n’ai pas de
cadeaux à lui faire qu’il attende une année!!??» En revenant, à
4 jours de la capitale, un de nos jeunes gens, Francisco a été tué
d’un coup de lance voici comment: le roi avait permis à nos jeunes
gens et à ses hommes qui les accompagnaient de prendre une partie du
Pombé [bière: NDLR] et de la nourriture qu’ils rencontraient en
route à destination de la capitale; ils prirent quelques cruches en
effet, mais les propriétaires croyant avoir affaire à des
commerçants vinrent les attaquer et Francisko seul reçut un coup de
lance dont il mourut 19 jours après. Yuhi averti fit tuer le
meurtrier en présence de nos hommes [...].32
En
mars 1899, le Père Bernard Brard, alors Supérieur de la station de
Katoke, en Uswi, écrivait:
« J’ai
essayé aussi de nouer des contacts avec les régions voisines de
l’Usui [Uswi: NDLR]; dans Usambaro [Usambara: NDLR] nos catéchistes
ont déjà commencé à instruire 30 jeunes catéchumènes. Ce pays
paraît mûr pour accueillir le grain de la Foi. J’ai envoyé aussi
deux fois des émissaires au roi du Ruanda; dans ce pays peuplé,
salubre et montagneux, mes gens furent bien traités, et le roi
envoya de son côté vingt personnes pour répondre à cette
honorable visite. J’attends beaucoup de choses de ces bons rapports
avec le Ruanda. Si seulement le Dieu d’amour nous envoyait bientôt
une foule d’ardents apôtres, pour apporter dans ce pays densément
peuplé la Bonne Nouvelle du Salut! »33
Ce
qu’il faut constater de ces deux extraits et surtout celui du
Diaire
de la station de Katoke,
est que les premiers contacts entre les missionnaires «Pères
Blancs»
avec le territoire rwandais furent indirects. Ils se réalisèrent
par l’intermédiaire des «ambassadeurs»
baganda. Lesdits contacts furent matérialisés par l’échange de
cadeaux. A bien lire ledit extrait et surtout les propos de Musinga –
«que
le Blanc envoie me voir et moi aussi j’enverrai le voir! Car s’il
venait je n’ai pas de cadeaux à lui faire, qu’il attende une
année!!??»
– on peut dire que Musinga ne voulait pas dépasser le stade de se
rendre visite et de s’échanger des cadeaux. Il était pour la
continuation de ces contacts, mais des contacts à distance; il
n’était pas disposé à accueillir le blanc chez lui. Seulement,
il était loin de s’imaginer que tout le territoire rwandais (y
compris son royaume) était déjà incorporé dans l’immense
Vicariat du Nyanza méridional avec à sa tête Mgr Jean Joseph
Hirth, lequel avait, déjà à partir de 1891, manifesté ses
intentions de fonder des stations missionnaires sur ledit territoire.
Il ignorait également que les préparatifs pour cette fondation
étaient tellement avancés qu’il ne restait que quelques mois pour
que la caravane à destination dudit territoire se mette en route!
Effectivement,
si on en croit le Diaire
de la station de Katoke,
ces propos de Musinga furent lancés en décembre 1898 et en décembre
de l’année suivante (1899), la caravane à destination du
territoire rwandais quitta Bukumbi avec à la tête Mgr Hirth. La
première étape du voyage devait le conduire à la station de Katoke
où il était attendu et où les derniers préparatifs étaient
prévus.
I.
3 Les derniers préparatifs à la Station de Katoke
C’est
à la station de Katoke que la caravane a pris sa forme finale.
C’est là en effet que fut décidée l’équipe de missionnaires
devant faire partie de l’expédition. Il s’agissait, en plus de
Mgr Jean Joseph Hirth, du Père Paul Barthélemy, du Père Bernard
Brard et du Frère Anselme. Ceux qui devaient les accompagner furent
également choisis. Il s’agissait d’un nombre assez important de
chrétiens baganda et de jeunes gens recrutés dans les populations
locales devant servir respectivement de «premier
collège de catéchistes»
(une fois la caravane arrivée sur le territoire rwandais) et de
porteurs. C’est la caravane ainsi constituée qui prit la route à
destination du territoire rwandais le 11 et le 12 décembre 1899.
Elle
pénétra sur le territoire rwandais en provenance du royaume du
Burundi34.
Le passage au Burundi est attesté par plusieurs sources
missionnaires: dans la Chronique du 2ème Trimestre 1900, on y lit:
«un
courrier nous annonce que Mgr Hirth est campé à cinq heures de la
mission de Muyaga (Urundi) avec les P. P. Brard, Barthélemy Paul et
le F. Anselme destinés à la mission du Rwanda, que Sa Grandeur
désire fonder au plus tôt afin d’empêcher les protestants
anglais de s’établir dans ce beau pays.»35
Le
Père P. Astruc nota en octobre 1900: «Au
mois de décembre (1899) la mission du Sacré-Cœur a eu le bonheur
de donner hospitalité à Sa Grandeur Mgr Hirth, aux P. P. Brard,
Barthélemy et F. Anselme se rendant dans le Rwanda pour y fonder une
mission.»36
La
caravane ne s’est donc pas dirigée directement vers le territoire
rwandais, car Mgr Jean Joseph Hirth «tenait
[...] avant de prendre pied dans le pays à se concerter avec les
autorités de la Résidence.»37
La concertation eut lieu d’abord à Bujumbura (Usumbura d’alors
et aujourd’hui Bujumbura, Capitale de la République du Burundi)
avec le Lieutenant von Grawert, puis à Shangi avec le Capitaine
Bethe. C’est de Shangi que la caravane de Mgr Hirth gagna la cour
de Musinga située à l’époque à Nyanza, dans l’ancienne
Préfecture de Butare, où elle fut reçue le 2 février 1900. Cette
rencontre inaugura une période de cohabitation entre le pouvoir
politique et l’Église catholique que ces missionnaires « Pères
Blancs »
allaient fonder. Cette cohabitation fut caractérisée par des
rapports qui ont inspiré beaucoup d’écrits et de débats. Le
présent écrit vient allonger la liste en présentant les faits qui
ont caractérisés ces rapports durant la période postcoloniale.
II.
Quelques faits marquants les rapports entre l’Église et les
autorités politiques du Rwanda indépendant
II.1
Bref historique de l’épiscopat catholique du Rwanda dès le début
du XXe siècle jusqu’en 1968
En
se présentant chez Musinga, Mgr Hirth n’avait pas encore de
résidence au Rwanda. Il régnait sur le Vicariat apostolique du
Nyanza méridional et avait comme résidence Bukumbi (Kamonga) au sud
du lac Victoria, en Tanzanie actuelle. En avril 1901, il transféra
sa résidence de Kamonga à Kashozi38
près de Bukoba afin de se rapprocher du Rwanda. En 1907, les œuvres
à défendre ne cessaient de croitre sur le territoire rwandais si
bien qu’il devenait difficile d’en assurer le contrôle à partir
de Bukoba, ce qui explique la nomination du Père Léon Classe le 20
juin 1907, alors Supérieur de Save, comme Vicaire général pour le
district du Rwanda. Ce fut au mois d’avril 1908 que le Père Classe
s’installa à Kabgayi, poste destiné à devenir le siège du
Vicariat du Rwanda. En fait, Kabgayi servait de relais entre Nyanza
et Kigali ; grâce à sa situation centrale, ce poste était
devenu le passage des Européens se rendant du nord au sud, de l’est
à l’ouest du pays et vice versa.
En
1912, le Vicariat apostolique du Nyanza méridional fut divisé à
son tour ; le Rwanda et le Burundi formèrent le Vicariat
apostolique du Kivu sous la responsabilité de Mgr Hirth. Ce dernier
quitta le Bukoba pour le territoire rwandais et s’installa
provisoirement à Nyundo, puis à Kabgayi. En 1922, il démissionna ;
il mourut à Kabgayi le 6 janvier 1931. En 1922, le Vicariat
apostolique du Kivu se scinda en deux : le Rwanda et le Burundi
formèrent deux Vicariats apostoliques distincts ; celui du
Rwanda et du Burundi. Le 22 mai 1922, le Père Léon Classe fut nommé
Vicaire apostolique du Rwanda. Le 28 mai 1922, il fut sacré évêque
à Anvers, par le cardinal Mercier. Pendant plus de 22 ans, il
marquera la vie religieuse et socio-politique du Rwanda. A sa mort,
il fut remplacé par Mgr Laurent Déprimoz en 1945 à la tête du
Vicariat apostolique du Rwanda. En 1952, il fut créé le Vicariat
Apostolique de Nyundo39
qui fut confié à Mgr Aloys Bigirumwami sacré évêque à Kabgayi,
le 1er
juin 1952 par Mgr Déprimoz. Les deux prélats (Bigirumwami à Nyundo
et Déprimoz à Kabgayi) vont donc constituer l’épiscopat rwandais
jusqu’en 1955, lorsque, se sentant malade, Déprimoz se démit de
ses fonctions le 15 avril 1955. Il fut succédé par Mgr André
Perraudin, à la tête du Vicariat Apostolique de Kabgayi qui fut
ordonné évêque le 25 mars 1956 à Kabgayi par Mgr Aloys
Bigirumwami.
De
1960 à 1968, on assista à la création des nouvelles
circonscriptions ecclésiastiques : Ruhengeri, Astrida (devenue
plus tard Butare) et Kibungo fondées respectivement en 1960, 1961
et 1968. Elles furent toutes confiées à des Abbés rwandais :
Joseph Sibomana reçut Ruhengeri le 21 août 196140,
Jean Baptiste Gahamanyi reçut Astrida. En 1968, Joseph Sibomana fut
désigné évêque de Kibungo et fut remplacé par Mgr Phocas
Nikwigize à Ruhengeri. Toutes ces circonscriptions ecclésiastiques
venaient s’ajouter à celle de Nyundo qui, dès 1952 était confiée
à Mgr Aloys Bigirumwami et celle de Kabgayi qui, depuis 1956 était
sous la direction de Mgr André Perraudin. Comme on peut le
constater, sous la première République, Mgr André Perraudin n’a
pas occupé seul l’échiquier religieux rwandais. Ils étaient
quatre à représenter l’Église catholique, une institution qui
fit entendre sa voix dans divers domaines.
II. 2
Quelques
faits marquants les rapports
entre l’Église et les autorités politiques sous la première
République
La
période qui précéda
et
suivit directement la proclamation de l’indépendance du Rwanda
fut caractérisée par des
troubles
résultant des attaques des réfugies tutsi. Le 14 mars 1960, Mgr
André Perraudin lança un appel pour que cesse les vengeances et les
représailles :
« …Nous
adressons un appel angoissé à tous les chrétiens et catéchumènes,
à tous les hommes de bonne volonté et plus particulièrement à
tous ceux qui ont des responsabilités publiques : autorités en
charge et leaders politiques, afin qu’il soit mis radicalement fin
à ce désordres et que soient cherchées dans un dialogue sincère
et efficace les solutions justes et pacifiques aux conflits qui
divisent les Banyarwanda. De telles solutions ne pourront être
trouvées que dans un climat sain, fait de tolérance et de respect
mutuels excluant absolument les campagnes de faux bruits,
d’intimidations réciproques, de mensonges et de délations,
stigmatisant la haine, les volontés de vengeances et de
représailles… »41
A
côté de cet appel, des lettres pastorales ont
été rédigées et
lues dans toutes les paroisses du pays :
« l’épiscopat
rwandais publia des lettres condamnant la violence, le 24 août 1961,
et, à Pâques 1962, il lança un appel contre ‘les crimes
odieux’ »42.
Dans
la lettre du 24 août 1961 nous y lisons :
« …Personne
n’a le droit de détruire l’habitation du prochain ni de piller
ses biens. Ceux qui le font sont tenus en conscience à réparer
l’injustice commise. Personne n’a le droit de chasser quelqu’un
de ses terres qui lui appartiennent légitimement, ni ne peut les
occuper ou les distribuer à d’autres. Nous condamnons aussi de la
dernière énergie tous ceux qui, sans être des exécuteurs
immédiats, donneraient des ordres de meurtre de destruction ou
d’incendie. Ceux-là sont les premiers et les plus grands
coupables. Nous condamnons enfin très sévèrement les semeurs de
faux bruits, les calomniateurs, les provocateurs de toute espèce et
tous ceux qui, par leurs agissements ou leurs menaces, incitent les
autres à mal faire… »43
Le
meurtre des populations civiles qui suivait les attaques des réfugiés
tutsi fut encore condamné à la fête de Noël 1963 par l’épiscopat
rwandais : « …Certains
pourraient être tentés, au milieu des difficultés actuelles, de
vouloir faire et de faire tort à autrui jusqu’à tuer des
innocents. Mes biens chers frères, ces pensées ne sont pas
chrétiennes et ne peuvent qu’attirer la malédiction divine sur
notre pays…»44.
Le 1er
janvier 1964, une autre lettre des évêques fut publiée, déplorant
non seulement les attaques des réfugiés mais aussi condamnant des
représailles. Les évêques du Rwanda écrivirent :
« En
déplorant les attaques terroristes qui ont eu lieu récemment nous
ne pouvons pas nous taire non plus sur leur répression. Nos
autorités à tous les échelons ont eu à faire face à une
situation extrêmement difficile avec des moyens de police limités.
Ne connaissant pas par ailleurs les dossiers de ceux qui ont été
victimes de condamnations de toutes sortes, nous ne voulons pas
juger, mais demander à nos Autorités de se rappeler qu’elles
sont, dans l’exercice de leurs pouvoirs, les Représentants de Dieu
et qu’à ce titre surtout elles doivent respecter scrupuleusement
sa sainte Loi… »45
Les
interpellations vis-à-vis de l’autorité civile par l’épiscopat
rwandais dans sa prise de position face à la situation du moment
n’ont pas contribué à entretenir de bons rapports entre ces deux
pouvoirs. Un autre point viendra durcir lesdits rapports. En effet,
voulant montrer son indépendance vis-à-vis de l’Église, l’État
se prononça pour une école laïque ; les écoles primaires
furent mises sous la responsabilité de l’État. Ceci ne fut
évidemment pas bien accueilli dans les milieux ecclésiastiques. Par
cette mesure l’État cessa d’être un allié exempt de
critiques :
« …Certains
prêtres, même hutu, n’hésitèrent pas à critiquer l’action du
président ou du gouvernement surtout quand celle-ci s’écartait
des idéaux proclamés. Un certain nombre d’articles signés
Mbwirabumva [‘je parle pour ceux qui écoutent’] parurent dans le
Kinyamateka ; écrits par l’abbé Jean-Marie Vianney
Rusingizandekwe, recteur du petit séminaire de Kabgayi ; ils
exposaient à la population les écarts des responsables politiques.
Le Kinyamateka reprit sa tâche de formation chrétienne de la
population et comme auparavant n’omit pas de critiquer les
autorités en place. Il jouait le rôle de conscience morale
nationale ; mais cela ne plut pas aux responsables du pays, en
1968, un journaliste, Félicien Semusambi fut mis en prison et le
Père Maïda expulsé du pays... »46
La
fin des années 60 fut marquée par une crise dans les rapports entre
l’Église et l’État. Contrairement aux affirmations de certains,
l’Église catholique de par son épiscopat et surtout de par ses
organes de presse, n’a pas été inféodée à l’État sous la
première République. Certaines fois même, comme on peut le
constater dans la précédente citation, elle a enregistré des coups
suite à ses prises de position.
Le
début des années 70 n’apporta pas de détente. Les troubles dans
des établissements d’enseignement secondaires et supérieurs
amenèrent l’Église à prendre position. Ainsi réuni le 23
février 1973 pour étudier le problème de la violence sociale qui
avait entrainé l’expulsion de certains élèves des écoles, les
évêques47
du Rwanda écrivirent:
« …Ces
troubles visaient à éliminer les élèves d’une ethnie. On alla
même jusqu’aux blessures et aux pillages. Ces jours-ci, les
menaces et voies de fait s’étendent aux employés et ouvriers dans
les sociétés privées. Des faux bruits sont colportés contre les
prêtres et même les prélats. La loi de Dieu, ainsi que la
Déclaration des droits de l’homme à laquelle le Rwanda a
souscrit, ainsi que le texte de la constitution rwandaise s’opposent
radicalement à ces procédés d’élimination et de persécution à
base raciale… S’il y a des problèmes sociaux à résoudre, et
ils ne manquent pas, que les vrais responsables, et non pas des
particuliers ou des groupes anonymes, le fassent par le moyens du
dialogue et de la négociation »48.
Au
mois de mars, au lendemain de la réélection du Président Grégoire
Kayibanda, la situation était loin de se calmer. Des hauts officiers
furent nommés à tête des établissements scolaires ; ainsi le
colonel Alexis Kanyarengwe fut nommé à la tête du petit séminaire
de Nyundo. Malgré ces nominations, les violences s’accentuèrent
dans des écoles. Ce furent entre autres ces violences qui servirent
de prétexte aux auteurs du Coup d’État militaire de 1973 qui
créèrent la deuxième République.
II.
3 Sous la deuxième République
II. 3.
1 Bref historique de l’épiscopat catholique du Rwanda dès 1973
jusqu’en 1992
En
1973, Mgr Aloys Bigirumwami démissionna de son poste. Il fut
remplacé par Vincent Nsengiyumva qui fut ordonné évêque de
Nyundo, le 12 janvier 1974. Le 3 mai 1976, Mgr Vincent Nsengiyumva
fut nommé archevêque de Kigali ; Kabgayi redevenant simple
diocèse, Mgr Perraudin en devint le premier titulaire ; il
gardait cependant le titre d’archevêque à titre personnel. Mgr
Kalibushi devint le troisième évêque de Nyundo le 27 mars 1977. Le
5 novembre 1981, le diocèse de Byumba fut créé et confié à Mgr
Joseph Ruzindana. A la même date, le diocèse de Cyangugu fut
également créé et fut confié à Mgr Thaddée Ntihinyuzwa. Le 28
novembre 1987, Mgr Thaddée Nsengiyumva est nommé évêque
coadjuteur de Kabgayi et fut ordonné évêque le 31 janvier 1988 ;
il succéda à Mgr André Perraudin comme évêque de Kabgayi le 8
octobre 1989. Le 30 mars 1992, le diocèse de Gikongoro fut créé et
confié à Mgr Augustin Misago, ordonné évêque le 28 juin 1992. Le
25 mars 1992 Mgr Joseph Sibomana démissionna du diocèse de Kibungo
et fut remplacé par Mgr Frédéric Rubwejanga ordonné évêque, le
5 juillet 1992. Sous la deuxième République, la conférence
épiscopale du Rwanda-Burundi fut dissoute. Le 6 juin 1980, le
Vatican érigea la conférence épiscopale du Rwanda qui tint sa
première assemblée du 6 au 8 août 1980.
II.
3. 2 Quelques faits marquants les rapports entre l’Église et les
autorités politiques sous la deuxième République
On
a reproché à l’Église catholique d’avoir été inféodée à
l’État. Seulement, les faits prouvent qu’elle était présente
et que souvent elle faisait entendre sa voix à travers ses prêtres,
ses évêques et ses organes de presse comme Kinyamateka.
Elle exprimait son indignation face aux problèmes du moment et aux
abus résultant de l’exercice du pouvoir par l’État. Certains
domaines d’intervention ont été relevés par Ian Linden dans
son livre Christianisme
et pouvoirs au Rwanda (1900-1990)…ci-haut
mentionné.
La
création du parti unique (Mouvement Révolutionnaire National pour
le développement-MRND) intervenue deux ans seulement après la prise
du pouvoir par le président Juvénal Habyarimana ne passa pas
inaperçue dans les milieux ecclésiastiques. Ian Linden, donne des
critiques émanant desdits milieux. Citant des chrétiens rassemblés
en un groupe de réflexion, Nathanaël, Il écrit:
« …La
mise en place des responsables du mouvement a été hâtive… Les
citoyens ne se sont pas sentis impliqués… Certains élus,
profitant de leur situation, ont exploité un peuple rendu muet par
la peur. La précipitation dans le choix des candidats n’a pas
toujours permis de révéler les plus dignes… Le travail
communautaire -umuganda- n’est pas toujours conçu ni programmé
pour l’utilité de la population qui, partant s’en décourage…
On a si peu consulté la population pour élaborer le plan de travail
qu’elle ressentit ce travail comme une corvée, juste le contraire
de ce que veut être le travail communautaire… »49
L’implication
obligatoire de prêtres ou de religieux dans les organes du MRND fut
également critiquée. En 1977, dans une note rédigée à
l’intention et à la demande de Mgr Vincent Nsengiyumva, le clergé
du diocèse de Ruhengeri affirmait :
« ...Il
semble que, dans l’état actuel des débats, les prêtres rwandais
sont très réticents au fait que les curés de paroisse soient
automatiquement membres des conseils techniques des communes, et par
là membres du comité communal du MRND….»50
Aussi,
des critiques à l’occasion de l’entrée de Mgr Vincent
Nsengiyumva au Comité central du MRND comme Responsable de la
commission sociale furent exprimées. Le 8 novembre 1977, la question
fut traitée explicitement lors d’une réunion décanale à la
paroisse St Michel de Kigali où un participant déclara :
« …D’après
des renseignements obtenus, le clergé de Ruhengeri se serait
prononcé pour une grande réserve quant à la participation directe
dans le MRND. De plus, il ne serait pas favorable à ce que
l’archevêque fasse partie du comité central du MRND, car d’après
les statuts, l’article 23 dit ‘Le comité central du MRND conçoit
et dirige la politique du mouvement’. ‘Faire de la politique’
ne relève ni des prêtres, encore moins de l’évêque. Peut-être
y a-t-il eu une certaine confusion… »51
A
propos des politiciens de la première République morts en prison,
le chanoine Eugène Ernotte posa la question publiquement en 1979 :
« …Parmi
et malgré les beaux efforts tentés chez nous, au Rwanda, dans de
multiples domaines, il existe des failles qu’il faut, je crois,
découvrir pour qu’au plus vite des Responsables s’en
préoccupent…Une de ces failles graves dans ses conséquences, est
l’ignorance dans laquelle sont laissés des enfants, des épouses,
des veuves peut-être, sur le sort actuel des pères et époux
condamnés en 1974… »52
A
propos de la vie dans les prisons le Père Maurice Belloy écrivit
dans la revue Dialogue
n°76 de septembre 1979 :
« …A
la prison de Kigali faite pour recevoir 600 prisonniers, nous sommes
1300 prévenus sur un total de 2300 prisonniers [...] Au mois d’août
1979, je déclare avoir visité et aidé une trentaine de prisonniers
fortement atteints de malnutrition… Je constate que sur 30
présences, plus d’un tiers ont dépassé un an de prévention. Le
reste s’étale de 4 à 11 mois. Deux seulement ont été jugés.
Trois sont décédés en ce mois… »53
A
propos de la jeunesse résultant d’une natalité mal contrôlée, à
l’occasion des 75 ans de l’évangélisation du Rwanda en 1975, le
clergé nota :
« …Une
jeunesse qui constitue la partie la plus nombreuse de la population
et à qui, très souvent, l’Église ne dit plus rien [...] Obsédée
par le souci du progrès matériel, privée d’une superficie de
terre suffisante pour lui assurer un travail continu, bloquée devant
le mariage par la dot et le manque de propriété, cette jeunesse ne
doit pas être trop fortement calomniée… »54
En
1976, un rapport à l’issue d’une session, « Pour
une pastorale du monde rural »
le signalait aussi :
« …Le
Rwanda dispose d’une vingtaine d’années pour, à la fois, faire
face à ses difficultés, faire vivre une population de plus en plus
nombreuse sur son territoire, préparer l’avenir en créant des
industries qui dégageraient les campagnes de leur surplus de
population… »55
L’abbé
Joan Casas, aumônier de mouvements de jeunes, lança un cri d’alarme
lors du presbyterium de Kigali, le mardi 29 novembre 1977 :
« …La
majorité de nos chrétiens sont des jeunes et des jeunes sans
perspective d’avenir. Je parle des jeunes
non scolarisés. Nous
faisons quelque chose pour faire taire la conscience, mais nous ne
leur donnons pas la priorité… »56
A
propos des réfugiés, en 1979, la Conférence des évêques du
Rwanda y fit allusion :
« …Mgr
Phocas Nikwigize donne des informations sur la situation des réfugiés
venus d’Uganda et regroupés dans le Mutara. Les plus nombreux sont
en fait des Rwandais passés en Uganda voici quelques années. Ces
derniers ne sont pas considérés comme tels par le
Haut-Commissariat, mais ont cependant besoin d’être aidés… »57
Et
le saint Père d’ajouter :
« …En
premier lieu je pense aux problèmes qui subsistent à la suite des
déplacements de population intervenus lors des affrontements
douloureux au cours des dernières décennies. Je souhaite de tout
cœur que l’on arrive, grâce à un dialogue franc et sincère, à
cicatriser les blessures anciennes et à trouver une solution
équitable à un problème dont personne n’ignore la complexité… »58
Le
journal Kinyamateka
fut également mis en contribution pour critiquer le régime, et les
journalistes travaillant dans cet organe de presse de l’Église ne
furent pas bien vus par celui-ci. Voici comment Ian Linden, après
avoir présenté l’abbé Silvio Sindambiwe, victime d’un accident
le 7 novembre 1989 décrit la situation :
« …L’abbé
avait été responsable du Kinyamateka dans les années 1980-1986.
Avec une bonne équipe de journalistes, dont Philibert Ransoni [...],
ils avaient enquêté dans plusieurs domaines et avaient montré les
compromissions d’un certain nombre de responsables de la chose
publique et mis en exergue les maux du moment... En 1988, André
Sibomana reprend le flambeau et rendit au bimensuel toute sa
crédibilité [...] Il n’eut pas peur d’enquêter dans les
domaines les plus délicats et de publier les résultats de ses
enquêtes [...] Entre juin et décembre 1989, il publia une série
d’articles dénonçant les détournements de biens publics opérés
à grande échelle par des responsables du régime… »59
De
leur côté, dans leur lettre intitulé « Le
Christ, notre Unité »
publiée en trois partie : L’Unité
(28 février 1990) ; Justice pour tout homme (6 mai 1990) ;
La parole de Dieu dans la vie du chrétien (14 août 1990), les
évêques du Rwanda invitèrent les habitants du Rwanda à vivre et à
promouvoir l’unité par fidélité au Christ. Ils écrivent :
« …Chers
chrétiens, vivez dans la charité, respectez-vous les uns et les
autres, que personne ne méprise son frère sous prétexte qu’il se
croit plus favoriser ou meilleur au contraire accueillons-nous les
uns des autres [...] Recherchons partout l’Unité : dans les
foyers, les écoles, les différentes familles qui nous rassemblent,
dans les associations, au travail et dans la pastorale… »60
Et
dans la deuxième partie « Justice
pour tout homme... »,
ils écrivent : « …Que chacun rentre en soi-même, se
repente et change de vie. Que chacun vive avec les autres dans
l’entraide et la fraternité. Que tous luttent pour l’unité de
l’Église et du pays… »61
S’agissant
de la justice, les évêques notent que :
« …la
justice n’est pas encore bien ancrée dans l’opinion ni très
rependue dans la vie. Elle semble même plutôt en régression. C’est
pourquoi nous, vos évêques, nous estimons qu’il faut, encore
aujourd’hui, rappeler à tous que la foi chrétienne est
indissociable de l’exercice de la justice à l’égard de chacun.
Nous devons faire régner la justice sans exception de race, de clan,
région, religion, etc. L’Église, en la personne de ses pasteurs
ne peut se taire, lorsqu’elle se heurte à l’injustice, surtout
si ce sont les petits, les pauvres, les faibles et les démunis qui
en pâtissent. Pour elle, ‘l’élan pour annoncer l’évangile de
la paix’ [...] va de pair avec l’élan pour promouvoir la
justice. En effet, assister tout homme sans distinction en défendant
les droits fondamentaux et inviolables qu’il tient de Dieu, voilà
un aspect de la mission de l’Église, ici sur terre. Cette mission
est celle d’éduquer les cœurs, de sorte que le comportement des
hommes soit conforme à l’Evangile de Jésus Christ. Alors l’Église
devient ‘sel de la terre’ et ‘lumière du monde’ [...] Sans
la justice il n’y a pas d’unité, d’entente et de paix viables
pour l’humanité… »62
Parlant
du problème pénitentiaire, les évêques soulignent
que :
« …Les
pouvoirs publics professent que le coupable doit être poursuivi et
puni sans préjudice des droits fondamentaux de la personne et sans
nuire à ses proches. Cependant, nous aimerions attirer l’attention
des pouvoirs publics sur un autre aspect du droit : l’observance
des procédures ou règles fixant les modalités des procès et
l’internement des inculpés. Certains dossiers ne sont pas étudiés
avec la célérité souhaitable de sorte que des prévenus,
incertains du sort qui les attend, sont détenus arbitrairement, sans
explications ; faire trainer ces dossiers est un abus de
confiance… »63
Dans
la troisième partie, La
parole de Dieu dans la vie du chrétien,
ils affirment :
« …Pour
que, tous, nous soyons des vrais rwandais et de vrais chrétiens,
laissons-nous pénétrer par la parole de Dieu dans notre vie ;
qu’elle transforme la culture rwandaise pour l’améliore et la
conforme à Dieu. L’évangile ne sera incarné que le jour où nous
vivrons l’amour fraternel, la solidarité, pour faire parvenir
notre pays au plein développement, l’entente parfaite dans la même
lutte pour la justice et la paix, sans se préoccuper de nos
différences ethniques et régionales… »64
II.
4 Pendant la guerre (1990-Fin 1993)
Cette
paix recherchée fut malheureusement ébranlée par l’attaque du
FPR, le 1er
octobre 1990. Les évêques continuèrent cependant leur mission de
sensibiliser les rwandais aux valeurs de la paix, de l’unité, de
l’amour fraternel et de la concorde nationale à travers entre
autres les lettres pastorales. Depuis octobre 1990 jusque novembre
1993, le Secrétariat général de la Conférence des Evêques
Catholiques du Rwanda a publié 9 lettres65
dans le recueil précité.
Dans
leur lettre pastorale du 7 novembre 1990 qu’ils intitulèrent
« Heureux
les artisans de paix, car ils seront appelés fils de Dieu »,
les évêques écrivent :
« …Comme
la véritable réconciliation trouve sa pure origine en Dieu qui est
amour…, demandons-lui de nous écarter des écueils qui blessent
l’unité des fidèles du Christ : haine et orgueil, préjugés
et mépris, hypocrisie et ambiguïtés, paroles et écrits,
complicités et compromissions [...] Pour que votre apostolat soit
crédible et continue à porter ses fruits, nous vous exhortons à
pratiquer de mieux en mieux les grandes vertus de loyauté et
d’amour : loyauté et amour envers le pays et l’Église.
Soyez constructifs, soyez les artisans de paix et d’union… »66
En
mars 1991, les évêques du Rwanda publièrent une autre lettre
« Comme
je vous ai aimés, aimez-vous les uns les autres » C’était
le message du carême. Ils écrivent :
« …Que
ce carême soit pour nous tous l’occasion de nous convertir à
l’amour de Dieu et de tous nos frères sans distinction, conversion
profonde de sorte
qu’ensemble
nous
soyons le levain d’un Rwanda meilleur et plus fraternel, un Rwanda
qui rejette l’esprit de division et développe initiatives et
progrès nouveaux [...] Aimons-nous plutôt d’un amour empreint de
respect mutuel, reconnaissant chez l’autre tout ce qu’il a de
bon. Ainsi nos différences au lieu de saper l’unité,
développeront une merveilleuse complémentarité. Nous pourrons
ainsi bâtir notre pays dans la paix du Christ… »67
Appel
au dialogue. Ils écrivent :
« …Le
DIALOGUE s’offre à nous comme une des voies sûres pour
l’édification d’un Rwanda nouveau sur les bases solides,
propices au développement harmonieux de chaque rwandais. Il faut
tous nous y engager avec détermination et loyauté [...] Nous y
parviendrons dans la mesure où nous mettrons en honneur les vertus
suivantes : vérité, respect, tolérance, écoute et
compréhension du point de vue de l’autre, confiance, humilité.
Ceci signifie que nous devons nous garder des vices qui font obstacle
à un vrai dialogue tels que la haine, mensonge, isolement,
intolérance, préjugés, mépris, méfiance, orgueil, exclusion,
peur [...] Nous lançons un pressant appel à tout rwandais, quels
que soient son ethnie, sa religion, son groupe social : qu’il
s’engage résolument sur la voie d’un dialogue constructif dans
le cadre des changements socio-politiques en cours, en particulier le
multipartisme annoncé et la promotion des mass-médias… »68
Pour
la paix
« …Notre
pressant appel à l’édification de la paix et de l’unité
s’adresse à
tous les rwandais et à tout homme de bonne volonté : que
l’on soit de telle ethnie ou de telle région, que l’on réside à
l’intérieur ou à l’extérieur du pays (y compris les réfugiés
rwandais), que l’on soit expatrié (missionnaire, coopérant, ou
diplomate…). Nous vous invitons tous à déployer tous vos efforts
à construire d’une façon active et loyale un Rwanda nouveau où
il fait beau vivre dans une coexistence pacifique et harmonieuse. Il
importe donc de mettre en honneur la vérité, le dialogue, la
solidarité et le patriotisme constructif. Que cessent les querelles
fratricides alimentées par la haine, le mensonge, la division, la
rancune, la vengeance et que se taisent les armes de guerre. Tout
cela ne fait qu’engendrer deuil, violences et ruines [...] Nous
lançons un pressant appel à tous nos frères et sœurs pour qu’ils
déposent les armes en vue d’un large dialogue, pour l’avènement
d’une paix rapide et durable, condition sine qua non de
l’efficacité de toute action sociale, politique, économique et
morale… »69
Face
au multipartisme
Dans
leur lettre pastorale « La
vérité fera de vous des hommes libres »
du 31 mai 1991, ils écrivent :
« …Ces
temps-ci, le Rwanda s’apprête à adopter le système démocratique
basé sur le multipartisme. Certains s’en réjouissent, d’autres
l’appréhendent [...] Au long des réformes de politique nationale
gardez fermes vos cœurs. Si les rwandais n’hésitent pas à
manifester la vérité dans la tolérance et le rejet de toute
oppression, si chacun est décidé à édifier sa Patrie : cela
ne fait pas de doute, tous nous atteindrons le développement
souhaité et chacun se félicitera d’œuvrer à l’essor du pays
[...] L’Église ne peut approuver la constitution de groupes
dirigeants restreints qui usurpent le pouvoir de l’État au profit
de leurs intérêts particuliers ou à des fins idéologiques. Le
Rwanda sera donc en véritable démocratie quand ses enfants jouiront
d’une liberté pleine et entière et participeront à la gestion de
leur économie, quand ils éliront leurs délégués aux institutions
politiques, quand, sans bâillon, ils s’épanouiront dans la
liberté de pensée et de parole [...] Le Rwanda de demain a
vraiment besoin d’être régi par le droit positif qui garantit la
dignité de la personne humaine. En effet la dignité humaine de
chaque homme tire son origine de Dieu créateur de tous ; il
mérite le respect, une totale liberté et l’égalité absolue avec
tous devant la loi. Nous prions les autorités de garantir la justice
et de rassembler les énergies des rwandais pour renforcer l’unité
et la sécurité. Qu’elles veillent à ce que l’État ne favorise
pas un parti ou ne soit l’instrument de tel ou tel parti [...]
Rwandais qui adhérerez à de nombreux partis politiques, présentez
l’image d’une démocratie d’unité et de paix, soucieuse de la
prospérité des rwandais. Soyez tolérants et, tous, solidaires pour
le progrès de la Patrie. Que l’unité qui n’admet aucun rejet
vous conduise à la fraternité des enfants de Dieu… »70
Dans
leur message du Nouvel An 1992 intitulé « La
réconciliation avant toute chose »,
ils écrivaient :
« …Notre
message d’aujourd’hui est une invitation pour chacun, où qu’il
soit, à renoncer à tout ce qui entretient la guerre ou pousse à la
haine et à la discorde. Qu’il œuvre plutôt à la consolidation
de la paix et de liens inébranlables entre les hommes. Ainsi
parvenus à nous entendre et à coexister sans arrière-pensée, nous
réaliserons une plus grande solidarité au service de la Nation… »71
Et
les évêques de conclure : « …Encore une fois,
nous exhortons les chrétiens à se surpasser comme artisans de paix…
Collaborez avec les autres à promouvoir la paix et dépensez-vous
pour elle. Evitez d’exploiter les autres et de les dominer. Prenez
conscience que la vrai paix est le fruit du pardon mutuel. Montrez en
toutes circonstances ‘le zèle à propager l’évangile de la
paix…’ »72
Face
à la gravité de la situation, les évêques publient la lettre
pastorale pour le carême 1992 qu’ils intitulent
« Convertissez-vous
et croyez à l’évangile »
Ils
expriment leurs inquiétudes :
« …Chers
chrétiens, plusieurs indices, aujourd’hui, nous révèlent le
malaise des Rwandais. L’autorité ne les protège pas comme elle le
devrait ; sans répit leur sécurité est menacée ; les
partis politiques s’affrontent en un conflit ouvert ; les
instances judiciaires ne montrent aucun zèle à rétablir dans leurs
droits les personnes lésées ; les médias se préoccupent peu
de la vérité. Le Rwanda a un besoin urgent de conciliateurs, que
ceux qui l’aiment vraiment
se sacrifient pour lui… Certains responsables de partis, en effet
se comportent d’une manière nettement antidémocratique. Il est
clair que certains favorisent leurs idéologies et leurs intérêts
particuliers au détriment de l’intérêt général du peuple [...]
Aux hommes politiques de discerner les vraies valeurs et de se
convaincre que le salut du Rwanda, aux prises avec une situation très
grave se trouve dans la tolérance et la solidarité. C’est là la
condition expresse pour découvrir une solution rapide à l’arrêt
des hostilités et
à la mise en place d’une politique viable pour la nation [...]
Dans tout le pays la suspicion règne en raison
des divisions ethniques et régionales. La confiance a disparu chez
les gens, au point que certaines communes ont connu des tueries :
des hutu et des tutsi se sont battus et des régions se sont dressées
les unes contre les autres. Un autre sujet de préoccupation :
les manifestations d’écoles secondaires. Leur effet est
désastreux : elles blessent les cœurs, alimentent les rancunes
et hypothèquent l’éducation de la jeunesse…Des grèves aussi
ont éclaté dans des entreprises, des prisons et des communes, là
où l’autorité est contesté. Ces manifestations causent des
dégâts, sont une perte de temps et ruinent le pays… »73
Les
évêques invitent à la conversion :
« …Nous
vous convions donc, tous, à une véritable conversion ; que
tout homme, en particulier chaque chrétien, déracine en lui égoïsme
et la violence répandues aujourd’hui en ce pays. Ces mésententes
d’origine ethnique, politique ou régionales sont causées par
l’égoïsme et le refus de reconnaître chez les autres leur
compétence et leur patriotisme et de leur accorder le droit d’agir
comme nous selon ces mêmes idéaux [...] La période de transition
que nous vivons tend à abandonner le monopartisme pour arriver au
multipartisme. Il faut réussir ce passage, changer nos mentalités
et surtout nos cœurs. Nous devons accepter de vivre avec tous :
ceux qui ne partagent pas nos opinions politiques comme ceux qui
viennent d’une autre ethnie au d’une autre région. Nous vous
exhortons avec insistance au pardon et à la réconciliation. Si nous
devenons des hommes nouveaux, le Rwanda de demain sera lui aussi
nouveau… »74
A
l’occasion du 75e
anniversaire du sacerdoce au Rwanda, les évêques ont publié une
lettre pastorale intitulée « Le
prêtre, témoin du christ au Rwanda aujourd’hui », ils
répondirent à la question : De quel prêtre avons-nous besoin
aujourd’hui ?
« …Si
le prêtre est le médiateur entre Dieu et les hommes, et par
conséquent médiateur des hommes entre eux, aujourd’hui et demain
au Rwanda, il doit savoir que sa tâche principale, dans son
enseignement et son comportement, est de réconcilier les rwandais,
leur faisant comprendre qu’ils sont tous frères. Le prêtre est
l’apôtre du Christ. Il est berger que rassemble son troupeau dans
un unique bercail et l’abreuve aux sources d’eau vive. Ainsi, ses
brebis se rassemblent autour de lui, l’aiment et lui font confiance
[...] Le prêtre n’appartient à aucune ethnie, ni région. Il
n’adhère à aucun parti politique. Il est l’homme de tous. Bref,
le prêtre dont les rwandais ont besoin est celui qui les aime sans
distinction et les aide à rencontrer Dieu. C’est lui qui se donne
à eux tout entier dans son ministère pastoral, les instruisant par
ses enseignements, soucieux de les aider à trouver des solutions aux
problèmes épineux de leur vie. Pour y arriver, le prêtre
d’aujourd’hui et de demain doit être un vrai homme de Dieu.
Ouvert et suffisamment lucide, il sera le guide irréprochable de
ceux qui lui sont confiés. Le prêtre de notre temps doit oser dire
la vérité, dénoncer l’injustice partout où elle se manifeste et
s’engager ouvertement à défendre toute pratique et action
conforme à l’Evangile, surtout celle en rapport avec le respect et
la défense des droits de l’homme. Dans sa vie et son comportement,
il sera témoin de la vérité qu’il enseigne. Ainsi s’accomplira
sa mission prophétique pour le peuple de
Dieu et pour toute la nation… »75
A
six mois avant que trois de ses évêques ne soient assassinés76,
ils se sont encore adressés aux Rwandais. C’était à l’occasion
de l’avent 1993 et ils intitulèrent leur lettre pastorale « Voie
de paix : Vérité, Justice, Charité ».
Les évêques montrèrent leur engagement pour la paix en rendant
hommage à tous les acteurs (y compris le Front Patriotique Rwandais
-FPR-, actuellement au pouvoir à Kigali, représenté à l’époque
par le Colonel Alexis Kanyarengwe) qui avaient contribué à
l’aboutissement des Accords de Paix d’Arusha :
« …Rendons
également hommage à tous les artisans de ces Accords d’Arusha, en
particulier aux représentants du Gouvernement rwandais et à la
direction du FPR-Inkotanyi, sans oublier les délégués des pays
amis. Ils se sont dépensés jour et nuit avec abnégation, quitte à
négliger les leurs et leurs propres affaires. Ils ont fait preuve de
modestie et d’ouverture d’esprit pour lever toutes les barrières
sur la voie du compromis… »77
Les
évêques rappellent que la vérité, la justice et la charité
sont des préalables incontournables pour tout homme épris de paix.
Comme obstacles à la paix, les évêques citent :
« …l’égoïsme
effréné qui produit boulimie et spéculation, la soif du pouvoir et
le mépris des droits de l’homme, l’orgueil et le dédain le
mensonge et la tricherie, les haines intestines avec leur cortège de
violences et de meurtres. Un cœur coutumier de tels débordements
n’est ni pacifié ni pacifique et pas davantage diffuseur de la
vérité [...] Là où la vérité fait défaut, ni la paix, ni le
progrès ni la justice ne règnent… »78
Note
d’espoir
« …Nous
espérons que le Rwanda notre pays, sortira de l’impasse actuelle
et retrouvera ainsi la paix. Là où se trouvent la foi, la bonne
volonté et le désir de bien agir, tout est possible. Le Rwanda ne
recouvrira la paix que si tous les rwandais nous le désirons et
acceptons de nous sacrifier et de maintenir une fervente prière pour
elle. L’exigence de convertir notre cœur, nos mentalités et nos
comportements persiste [...] Chacun doit extirper de lui-même son
égoïsme effréné et ce désir de s’emparer de tout ce qui est
possible. Nos relations sont à revoir, surtout en corrigeant les
erreurs du passé. Les Accords de paix sont pour tous, en particulier
pour les chrétiens le début d’un nouveau type de relations
empreintes de respect, de tolérance et de pardon… »79
II.
5 Halte sur les faits relevés
Les
exemples de faits ci-haut relevés couvrent une période de plus de
30 ans et peuvent renseigner sur les rapports qui ont caractérisés
l’Église catholique au Rwanda et les différents gouvernements
tels qu’ils s’y sont succédés et par ricochet sur ce qu’elle
a fait durant cette période. Lesdits faits permettent également de
mesurer l’ampleur du décalage entre ce qui s’est réellement
passé et ce qui est raconté par certains à propos de cette Église.
On entend dire qu’elle n’a rien fait, qu’elle a prêché la
division et la haine, qu’elle a été complice des génocidaires,
qu’elle a été inféodée à l’État…
A
la lumière des faits relevés, on peut dire que de telles
affirmations sont des contrevérités ne relevant que d’une
méconnaissance consciente ou inconsciente des faits. Il s’agit
d’une culpabilisation à outrance dont le but inavoué est de
terroriser un témoin gênant afin de le faire taire. D’aucuns
voient aussi dans une telle culpabilisation, non seulement une façon
de se venger sur cette institution eu égard au rôle qu’elle a
joué dans la chute de la monarchie en 1959 mais aussi une manière
de camoufler les crimes dont cette institution a été victime.
En
effet, l’Église catholique au Rwanda a été étêtée avec
l’assassinat de ses quatre évêques dont l’archevêque Mgr
Vincent Nsengiyumva ; des centaines de religieux et de
religieuses (rwandais ou expatriés) et de séminaristes ont été
assassinés ; également des chrétiens furent massacrés par
milliers… Ce qui frappe et parait aussi injuste c’est que
personne (même l’épiscopat actuel du Rwanda) n’a levé le doigt
pour demander à ce que les auteurs de ces crimes demandent
aussi
pardon à l’Église comme si c’était légitime d’assassiner
quatre évêques ! Et pourtant, comme les faits relevés plus
haut le montrent, les évêques assassinés étaient parmi ceux qui
n’avaient cessé de prêcher la paix, l’unité, la charité et la
réconciliation entre les Rwandais. Ils n’ont pas été compris ;
ils se sont heurtés à des interlocuteurs sceptiques et cyniques
déterminés à commettre le mal.
Au
cours de son histoire, l’Église catholique a eu des membres dont
des idées et/ou des écrits ont contribué à « ethniciser »
voire « racialiser »
les populations rwandaises. Ces idées se retrouvent entres autres
dans « Un
pays et trois races »
paru dans la revue Grands
Lacs,
51ème Année, n° 5-6, (1935) de Mgr Léon Classe ; « Inganji
Kalinga,
Kabgayi, 1943 » de l’abbé Alexis Kagame ; « Ruanda »
du
Chanoine Louis de Lacger, « Un
royaume hamite au centre de l’Afrique »
d’Albert Pages ; etc. Il faut également souligner qu’à
certains moments de l’histoire du Rwanda certains chrétiens se
sont écartés des valeurs de l’Évangile pour commettre des actes
qui ont porté atteinte à la dignité de la personne humaine. C’est
regrettable ! Cependant, aucune de ces idées et/ou de ces actes
ne s’est accomplie au nom de l’Église. Maintenant que
l’épiscopat actuel rwandais a demandé pardon en regrettant « que
des membres de l’Église aient violé leurs vœux d’allégeance
aux commandements de Dieu »,
le rétablissement des relations de confiance entre les institutions
Église catholique et État au Rwanda viendra de la reconnaissance du
martyre subi par cette Église ; cette reconnaissance exigera à
ceux qui l’ont martyrisée à lui demander aussi un jour pardon.
Conclusion
Pendant
la période de 1960 à 1993 considérée ici, l’église catholique
au Rwanda a fait entendre sa voix par sa hiérarchie et ses organes
de presse. Les faits relevés ici montrent qu’elle est intervenue
dans plusieurs domaines, soit en prenant position soit en donnant des
conseils à suivre pour être un bon chrétien et/ou citoyen œuvrant
pour le développement spirituel et socio-politique de son pays.
Pendant la guerre, la hiérarchie de l’Église catholique est
revenue sur les valeurs humaines : la paix, l’unité, la
justice, la charité, le respect mutuel, le dialogue, la
réconciliation… ; elle n’a pas été comprise ; la
guerre ne s’est pas arrêtée, elle a continué et a culminé au
génocide. Un tel drame ignominieux, au lieu de servir de leçon en
vue de revigorer lesdites valeurs, c’est l’inverse qui s’est
produite. L’autoritarisme, l’injustice, le mépris de l’autre
renaissent dans le pays et prennent même des allures inquiétantes.
Les spoliations de biens d’autrui, les arrestations arbitraires et
disparitions d’opposants… deviennent monnaie courante.
Décrivant
la situation actuelle en la matière, l’ambassadeur de la Grande
Bretagne à Kigali, Monsieur William Gelling a dit : « C’est
inquiétant de voir que des figures de l’opposition sont ciblées.
Je suis préoccupé par les arrestations et les problèmes
judiciaires de ces dernières semaines… »80
Ces
arrestations qui se font sur base de fausses accusations affadissent
la réconciliation nationale et interpellent toutes les
personnalités de bonne volonté et épris de paix, de justice et de
vérité, y compris l’épiscopat actuel du Rwanda qui,
malheureusement, reste muet. Intervenir pour défendre la justice et
la vérité n’a rien de contradictoire avec l’Évangile, c’est
dans tous les cas, pour un religieux ou une religieuse, être plus
témoin transparent du Christ et de son Évangile que faire la
propagande d’un programme d’un parti et/ou d’une famille
politique81.
N’est-il pas plus bénéfique de prévenir des conflits en amont en
dénonçant à temps ce qui peut les provoquer et en mettant en
avant la justice et la vérité? Dans ses prises de position
l’épiscopat d’hier l’a bien dit :
« ...Hors
de la vérité il n’y a ni paix, ni progrès ni justice possibles.
De plus, tout homme a droit à être instruit de la vérité. Quand
il la connait, il est invité à la suivre [...] Avouez donc que la
vérité est une valeur précieuse pour la vie en société. Que
chacun s’y attache fortement, alors nous connaitrons le meilleur
chemin vers l’unité, la paix et le développement. L’ami de la
vérité ne supporte pas les procédés malhonnêtes, il ne reste pas
muet ni ne ferme les yeux devant l’injustice un peu partout
présente dans les collectivités. Il dit bien haut ce qu’il
réprouve au-dedans de lui. Se taire devant le mal, devant
l’injustice, c’est se faire complice de l’oppresseur… »82
Octobre
2017
Dr.
Phil. Innocent Nsengimana
Table
de matières
Introduction
………………………………………………………………………1
I.
A l’aube de la pénétration des missionnaires « Pères
Blancs »
sur
le territoire rwandais……………………………………………………………………2
I.1
Le territoire rwandais, point de mire des
missionnaires………………………………..4
I.
2
Les missionnaires en marche vers le Rwanda…………………………………………..5
I.
3 Les
derniers préparatifs à la Station de Katoke……………………………..………….7
II.
Quelques faits marquants les rapports entre l’Église et les
autorités politiques
du
Rwanda indépendant …………………………………………………………………….....8
II.1
Bref historique de l’épiscopat catholique du Rwanda dès le début
du XXe siècle
jusqu’en
1968………………………………………………………………………………….8
II. 2
Quelques faits marquants les rapports entre l’Église et les
autorités politiques
sous
la première République………………………………………………………………….
9
II.
3
Sous la deuxième République…………………………………………………………...12
II. 3.
1
Bref historique de l’épiscopat catholique du Rwanda dès 1973
jusqu’en 1992……..12
II.
3. 2
Quelques faits marquants les rapports entre l’Église et les
autorités
politiques
sous la deuxième République ……………………………………..………………12
II.
4
Pendant la guerre (1990-Fin 1993) …………………………………………………..…16
II.
5
Halte sur les faits relevés ……………………………………………...………………..21
Conclusion………………………………………………………………………….22
Bibliographie……………………………………………………………………….25
Annexes……………………………………………………………………………..26
Bibliographie
Archives
Lettre
du P. ASTRUC du 21 avril 1900, publiée dans Chronique des Pères
Blancs, octobre 1900
Lettre
de Mgr J. J. HIRTH du 7 mai 1896 à son Supérieur Général.
(Archives des Pères Blancs à Rome.)
Lettre
de Mgr J. J. HIRTH du 30 novembre 1897 à son Supérieur Général.
(Archives des Pères Blancs à Rome.)
Lettre
de Mgr J. J. HIRTH du 3 août 1898 à son Supérieur Général.
(Archives des Pères Blancs à Rome.)
Lettre
de Mgr J. J. HIRTH du 19 novembre 1899 à son Supérieur Général.
(Archives des Pères Blancs à Rome.)
Lettre
de Mgr J. J. HIRTH du 23 novembre 1899 en route vers Uswi à son
Supérieur Général (Archives des Pères Blancs à Rome.)
Ouvrages
& Articles
ANONYME,
Monseigneur
Hirth, ancien Vicaire apostolique du Nyanza,
in: Bulletin
des Missions d’Afrique des Pères Blancs,
XLVIIe Année, 1931.
Mgr
L. CLASSE,
Un pays et trois races »,
in : Grands
Lacs,
51ème Année, n° 5-6, 1935.
R.
CORNEVIN, Histoire
de l’Afrique II.
Paris, 1978.
R.
HEREMANS et E. NTEZIMANA, Journal
de la mission de Save 1899-1905,
Editions Universitaires du Rwanda, Ruhengeri, 1987.
Abbé
A. KAGAME,
Inganji
Kalinga,
Kabgayi, 1943.
L.
de LACGER, Rwanda II, Namur, 1939.
I.
LINDEN, Christianisme
et pouvoirs au Rwanda (1900-1990).
Kharthala, 1999.
Père
S. MINNAERT, Save-1900.
Fondation de la première communauté chrétienne au Rwanda.
Edité par les Missionnaires d’Afrique. s.l.n.d.
I.
NSENGIMANA, Le
Rwanda et le pouvoir européen. Quelles mutations ?
(1894-1952). Editions Peter Lang, 2003.
A.
PAGES,
Un royaume hamite au centre de l’Afrique, Institut
Royal colonial Belge, Bruxelles, 1933.
Mgr
A. PERRAUDIN, Un
évêque au Rwanda. Témoignage.
Editions Saint-Augustin, 2003.
F.
RENAULT, Lavigerie,
l’esclavage africain et l’Europe 1862-1892. Tome I: Afrique
centrale,
Paris, 1971, p. 172.
Secrétariat
Général de la Conférence des Evêques Catholiques du Rwanda,
Recueil
des lettres et messages de la conférence des évêques catholiques
du Rwanda publiés pendant la période de guerre (1990-1994),
Kigali, 1995.
Sitographie
Annexes
Carte
I83
Carte
II84
Localisation
des royaumes interlacustres en Afrique de l’Est ainsi que des voies
de pénétration des premiers européens
Dernière
page du message des évêques catholiques du Rwanda à l’occasion
du Nouvel An 199285
1
I. NSENGIMANA, Le
Rwanda et le pouvoir européen. Quelles mutations ?
Editions Peter Lang, 2003, pp. 229-311
4 -I.
LINDEN, Christianisme
et pouvoirs au Rwanda (1900-1990).
Karthala, 1999.
-Secrétariat
Général de la Conférence des Evêques Catholiques du Rwanda,
Recueil
des lettres et messages de la conférence des évêques catholiques
du Rwanda publiés pendant la période de guerre (1990-1994),
Kigali, 1995
5
R. HEREMANS et E. NTEZIMANA, Journal
de la mission de Save 1899-1905,
Editions Universitaires du Rwanda, Ruhengeri, 1987, p. 6.
6
Ibidem.
7 F.
RENAULT, Lavigerie,
l’esclavage africain et l’Europe 1862-1892.
Tome I: Afrique centrale, Paris, 1971, p. 172.
8
Idem,
pp. 172 et 184.
9
Idem, pp. 172-212. Les stations de Rubaga et Rumonge se situent
respectivement dans les Etats actuels de l’Uganda et du Burundi,
celles de Tabora et Bukumbi en Tanzanie, tandis que celles de
Masanze et Kibanga se trouvent en République Démocratique du Congo
10
F. RENAULT, Lavigerie,
l’esclavage africain…, op.
cit., p. 172.
11
Ibidem.
12
ANONYME, « Monseigneur
Hirth, ancien Vicaire apostolique du Nyanza »,
in: Bulletin
des Missions d’Afrique des Pères Blancs,
XLVIIe Année, (1931), p. 123.
13
«Mgr Livinhac, lorsqu’il fut rappelé en Europe par le cardinal
Lavigerie arrivé au terme de sa carrière, aux fins de prendre sa
place à la direction générale de la société, reçut mandat de
sacrer avant son départ le P. Hirth, désigné pour lui succéder.
C’était le 25 mai 1890: la cérémonie eut lieu dans l’humble
chapelle de Kamoga en territoire allemand.» (L. de LACGER, Rwanda
II,
p. 43.)
14
Ce sont les victimes de ces massacres qui sont entrés dans
l’histoire sous l’appellation de « Martyrs
de l’Ouganda ».
15
Certains de ces exilés ougandais sont restés fidèles aux
Missionnaires « Pères
Blancs »
et les ont accompagnés et aidés dans leurs missions. C’est le
cas d’Abdoni Sebakati. Ougandais d’origine et qui aida les Peres
blancs à fonder et à évangéliser Save. Installé à Kinyamakara,
il y eut un fils qui fut ordonné prêtre, Abbé E Bigumirabagabo.
Il est mort en 1968. (Pour son témoignage, voir Père S. MINNAERT,
Save-1900.
Fondation de la première communauté chrétienne au Rwanda.
Edité par les Missionnaires d’Afrique. s.l.n.d., pp. 25-30)
16
Père S. MINNAERT, Save-1900…,
op.cit., p. 19
17
Ibidem, p.123.
18
R. HEREMANS et E. NTEZIMANA, Journal
de la mission de Save 1899-1905…, op.
cit., p. 7.
19
Lettre de Mgr J. J. HIRTH à son Supérieur Général du 1er février
1891, citée par R. HEREMANS et E. NTEZIMANA, Journal
de la mission de Save 1899-1905…, op.
cit., pp.7-8.
20
Uswi est l’un des royaumes qui composaient le territoire Haya, au
Sud-ouest du lac Victoria, en actuelle République Unie de Tanzanie.
(Voir carte n° II.)
21
Lettre de Mgr J. J. HIRTH du 30 novembre 1897 à son Supérieur
Général. (Archives des Pères Blancs à Rome.)
22
Lettre de Mgr J. J. HIRTH du 3 août 1898 à son Supérieur Général.
(Archives des Pères Blancs à Rome.)
23
Lettre de Mgr J. J. HIRTH du 19 novembre 1899 à son Supérieur
Général. (Archives des Pères Blancs à Rome.)
24
Idem (Archives des Pères Blancs à Rome.)
25
Ici le mot «ministres»
désigne «pasteurs
protestants».
26
Lettre de Mgr J. J. HIRTH du 23 novembre 1899 en route vers Uswi à
son Supérieur Général (Archives des Pères Blancs à Rome.)
27
Voir dans les Annexes, carte I.
28
L. de LACGER, Ruanda
II,
p. 45.
29
Voir la localité sur la carte n° II.
30
L. de LACGER, Ruanda
II,
p. 45.
31
Ibidem,
p. 45.
32
Extrait
du Diaire de la station de Katoke. (Archives des Pères Blancs à
Rome.)
33 «Ich
habe auch versucht, Verbindungen mit den Nachbarsgebieten von Usui
anzuknüpfen; in Usa-mbiro haben unsere Katechisten bereits begonnen
an die 30 Junge Katechmenen zu unterrichten; dies Land scheint ganz
reif zu sein, das Samenkorn des Glaubens aufzunehmen. Zweimal
schickte ich auch Abgesandte an den König von Ruanda; meine Leute
wurden in diesem bevölkerten und gesunden Berglande gut
aufgenommen, und der König schickte seinerseits zwanzig seiner
Leute, um den ehrenden Besuch zu erwidern. Ich erwarte mir Großes
von diesen guten Beziehungen zu Ruanda; wenn uns nur der liebe Gott
bald eine Schar feuriger Apostel schicken würde, um in dies
dichtbevölkerte Land die frohe Botschaft des Heiles zu tragen!»
(Lettre
du Père B. Brard, in: Afrika-Bote,
V. Jahrgang, (1899), Heft 1, p. 103.)
34
Pour les raisons de ce détour, voir I. NSENGIMANA,
Le Rwanda et le pouvoir européen…, op.
cit., pp. 237-239.
35
Chronique des Pères Blancs, juillet 1900, p.395.
36
Lettre du P. ASTRUC du 21 avril 1900, publiée dans Chronique des
Pères Blancs, octobre 1900, p. 549.
37
L. de LACGER, Ruanda
II,
p. 46.
38
Pour ces localités (Bukumbi, Kashoza…), voir dans les Annexes,
carte I.
39
Ledit Vicariat s’étendait sur les anciennes préfectures de de
Gisenyi, de Kibuye et une partie de Ruhengeri. Le reste du
territoire rwandais faisait partie du Vicariat apostolique de
Kabgayi.
40
1er
Evêque nommé par le Pape Jean XXIII 20 décembre 1960 fut Bernard
Manyurane décédé avant son ordination.
41
Mgr André PERRAUDIN, Un
évêque au Rwanda. Témoignage.
Editions Saint-Augustin, 2003, p. 396.
42 I.
LINDEN, Christianisme
et pouvoirs au Rwanda …, op.
cit., p. 361.
43
Mgr André PERRAUDIN, Un
évêque au Rwanda…,op.
cit.,
p. 396.
44
Idem, p. 397.
45
Idem, p. 397-398.
46
I. LINDEN, Christianisme
et pouvoirs au Rwanda …, op.
cit., pp. 369-370.
47
A cette époque, les évêques du Rwanda sont : Phocas
Nikwigize de Ruhengeri, Aloys Bigirumwami de Nyundo, Joseph
Sibomana de Kibungo, Jean Baptiste Gahamanyi de Butare.
48
I. LINDEN, Christianisme
et pouvoirs au Rwanda …,op.
cit., pp. 373-374.
49
I. LINDEN, Christianisme
et pouvoirs au Rwanda …, op.
cit., pp. 376-378.
50
Idem, p. 378.
51
Idem, p. 379.
52
Idem, pp. 380-381.
53
Idem, p. 381.
54
Idem, p. 393.
55
Ibidem.
56
Idem, p. 394.
57
Idem, p. 397.
58
Idem, p. 398.
59
Idem, p. 399-400.
60
Secrétariat Général de la Conférence des Evêques Catholiques du
Rwanda, Recueil
des lettres et messages…, op.
cit., p. 33.
61
Idem, p. 37.
62
Idem, pp. 38-39.
63
Idem, p. 44.
64
Idem, p. 115.
65
Toutes ces lettres pastorales sont signées par les huit évêques
de la Conférence des évêques catholiques du Rwanda de l’époque,
à savoir : Mgr Vincent Nsegiyumva, archevêque de Kigali, Mgr
Joseph Sibomana, évêque de Kibungo, Mgr Phocas Nikwigize, évêque
de Ruhengeri, Mgr Jean Baptiste Gahamanyi, évêque de Butare, Mgr
Wenceslas Kalibushi, évêque de Nyundo, Mgr Joseph Ruzindana,
évêque de Byumba, Mgr Thaddée Ntihinyuzwa, évêque de Cyangugu
et Mgr Thaddée Nsengiyumva, évêque de Kabgayi. Pour
les signatures de ces évêques, voir dans les Annexes la dernière
page du message des évêques catholiques du Rwanda à l’occasion
du Nouvel An 1992.
66
Secrétariat Général de la Conférence des Evêques Catholiques du
Rwanda, Recueil
des lettres et messages…, op.
cit., p. 130.
67
Idem, pp. 136 -137.
68
Idem, p.139.
69
Idem,
pp. 146-147.
70
Idem, p. 153 et 157 et pp. 166-167.
71
Idem, p. 197.
72
Idem, p. 211.
73
Idem, p. 218-219.
74
Idem, p. 228-229.
75
Idem, pp.241-242.
76
Les trois évêques assassinés sont Mgr Vincent Nsengiyumva, Mgr
Joseph Ruzindana et Mgr Thaddée Nsengiyumva. C’était
le 05 juin 1994 à Gakurazo, dans l’ancienne préfecture de
Gitarama.
77 Secrétariat
Général de la Conférence des Evêques Catholiques du Rwanda,
Recueil
des lettres et messages…, op.
cit., p. 269.
78
Idem, p. 270.
79
Idem, p. 280.
81
Voir dans les Annexes la lettre de Mgr Smaragde Mbonyintege, évêque
de Kabgayi où il donne des directives à suivre pour alimenter le
« Fonds de Développement Agaciro » (Agaciro
Development Funds), un programme étatique visant à soutirer de
l’argent à la population pour sa participation à l’effort de
développement. La lettre est écrite en Kinyarwanda. Pour ne pas
altérer son originalité, elle est présentée ici sans la
traduire.
82
Secrétariat Général de la Conférence des Evêques Catholiques du
Rwanda, Recueil
des lettres et messages…, op.
cit.,
pp.
48-49.
83
Père S. MINNAERT, Save-1900…,
op.
cit., p.88.
84
R. CORNEVIN, Histoire
de l’Afrique II.
Paris, 1978.
85
Secrétariat Général de la Conférence des Evêques Catholiques du
Rwanda, Recueil
des lettres et messages de la conférence des évêques…, op.
cit., p. 212.
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