Comité de Suivi de la
Problématique des Réfugiés Rwandais (CSPR)
CSPR • P.O. Box 3026, Manchester, NH 03105 • PHONE : +1(603) 233-4511 • Email: kalinpas21@hotmail.com
CSPR Is a coalition of Rwandan Civil Society and Political organizations in Diaspora on the Process and Application of the Cessation Clause applied on Rwandan refugees Fled between 1959 to December 31 1998.
Excellence M. Filippo Grandi Le 1 Mars 2018
Haut-Commissaire des Nations Unies pour
les Réfugiés N°: 008/CSPR/0318
Case Postale 2500
CH-1211 Genève 2 Dépôt
Suisse.
Fax : +41 22 739 7377
Objet: Contre l’attitude du HCR et sa complicité avec le
gouvernement
rwandais face aux massacres des réfugiés
congolais du camp de
Kiziba à l’Ouest du Rwanda.
Excellence Mr le Haut Commissaire,
Le Comité de Suivi pour la problématique des
Réfugiés Rwandais (CSPR) et la Communauté internationale dans son ensemble viennent
d’assister, impuissant, à des massacres par les armes à feu perpétrés par des
services de l’ordre rwandais à l’encontre des réfugiés congolais installés depuis
vingt ans dans le camp de Kiziba à l’Ouest du Rwanda.
Dans la soirée du 22 février 2018, les policiers et
les commandos des forces spéciales de l’armée rwandaise lourdement armés ont
tiré une salve de balles sur des réfugiés congolais, non armés, qui faisaient
un sit-in au siège du Haut-Commissariat pour les Réfugiés à Karongi. Les
revendications des réfugiés, sont notamment liées à la réduction de la ration
alimentaire par personne qui, ces trois derniers mois a baissé de 35% et est
actuellement évaluée à 0.2 dollars par jour et par personne.
Ces réfugiés expliquent leur recours à la
manifestation pacifique par le fait qu’ils avaient épuisé toutes les démarches
de dialogue possibles aussi bien avec les responsables du HCR qu’avec le
gouvernement rwandais.
En effet, il ressort de ces malheureux événements
que les revendications des réfugiés sont nombreuses et vont au-delà de la
simple question de ration alimentaire. En recoupant les revendications des
réfugiés, des rapports de différents experts, notamment ceux des Nations Unies,
des investigations indépendantes et neutres ainsi que des événements passés et
en cours au Rwanda et dans la Sous-région des Grands Lacs, nous sommes en
mesure de confirmer la réalité suivante:
a)
Le HCR ne pouvait pas ignorer que, depuis des années, les
militaires en civil et les services de renseignement du gouvernement rwandais
grouillaient dans le camp des réfugiés de Kiziba pour y recruter des jeunes qui
étaient ensuite enrôlés dans l’armée, dans la police ou dans les services de
renseignement où ils sont notamment chargés d’exécuter de sales besognes comme
l’assassinat et le kidnapping des voix critiques à l’intérieur comme à
l’extérieur du pays
b)
Les réfugiés ne pouvaient pas élire librement leurs
représentants puisque le gouvernement rwandais craignait que, une fois élus,
les représentants intègres, allaient dénoncer ces pratiques illégales ;
c)
Le HCR ne pouvait pas ignorer que les dossiers de
réinstallation des réfugiés congolais de Kiziba dans les pays tiers, en Europe,
en Amérique ou en Australie étaient détournés et octroyés aux citoyens rwandais
qui allaient servir les intérêts du gouvernement rwandais à l’étranger;
d)
Dans un camp de 17 000 réfugiés, peuplé en majorité
d’enfants et autres personnes vulnérables soumis à une alimentation de moins de
0.2 dollar par jour, des cas de maladies chroniques et graves font l’objet du
quotidien. Or, les transferts vers les hôpitaux spécialisés sont rares alors
que l’infirmerie du camp ne dispense que des soins élémentaires;
e)
Le système inégalitaire et inéquitable clairement établi
dans l’administration de soins et la distribution de nourriture dans le camp
est en grave contradiction avec les conventions et principes sacrés d’équité
des organisations des Nations Unies et organisations humanitaires;
Le Comité de Suivi de la Problématique des Réfugiés
Rwandais (CSPR) regrette que le HCR, qui veille à la protection des réfugiés et
le quotidien des camps, n’ait pu anticiper la tournure des événements alors que
les doléances des réfugiés lui parvenaient depuis bien longtemps et que l’intolérance
et la brutalité du gouvernement rwandais envers toute voix discordante sont
bien connues et documentées. Est-ce un manque de réalisme ou une volonté
délibérée de rester sourd aux revendications des réfugiés de la part du HCR?
Quel que soit le cas, les dégâts ont été sans commune mesure et irréparables :
des dizaines de familles ont perdu les leurs sous les balles d’un gouvernement sensé les protéger mais hélas
brutal et intolérant
Mais ce qui est grave encore, c’est l’attitude du
HCR avant, durant et après la macabre double attaque des réfugiés par l’armée.
En effet, pendant les trois jours du sit-in, au fur et à mesure que les
militaires du gouvernement rwandais procédaient à l’encerclement et au
renforcement de leur dispositif autour des réfugiés qui, rappelons-le, n’étaient
ni armés ni violents, le HCR s’est lavé les mains déclarant remettre le sort
des réfugiés dans les mains du gouvernement rwandais dont on connait pourtant
la brutalité. En outre les communiqués du HCR, qui étaient en tous points des
copies de ceux du gouvernement rwandais, demandaient aux réfugiés de regagner
leur camp au lieu de les écouter et de proposer des solutions à leurs
problèmes.
Le double assaut final des militaires (sur le
sit-in des réfugiés devant le siège du HCR à Karongi et dans le camp des
réfugiés à Kiziba) qui a été suivi en direct par le monde entier grâce à
la présence des reporters des médias
nationaux et internationaux, n’a jamais été condamné par le HCR; ce dernier
s’est tout simplement indigné de l’utilisation excessive des armes par les
policiers et les militaires et a appelé aux deux parties à la retenue; ce qui
est, en fin de compte, un aveu de reconnaissance de la légitimité de cette
attaque mortelle! La complicité du HCR avec le gouvernement rwandais dans ces
massacres est d’autant plus difficile à nier qu’après les massacres, la seule
recommandation du HCR transmise dans son communiqué, est que le gouvernement
rwandais fasse une enquête sur les massacres commis par les agents de ce
dernier! Il a oublié de lui demander de se donner des sanctions si l’enquête
l’incrimine!
Les massacres de réfugiés congolais sur son
territoire prouvent à quel point le gouvernement rwandais est insensible aux
malheurs des populations des Grands Lacs. Le contraire serait étonnant, si l’on
considère que c’est ce même gouvernement qui traverse les frontières pour mener
des guerres, tantôt ouvertes tantôt par des milices armées interposées dans les
pays voisins; ce qui le rend, par conséquent, l’auteur de l’instabilité et de
l’insécurité qui produisent ces réfugiés.
Par ailleurs, ces attaques rappellent celles
commises, au vu et au su du HCR, par l’Armée Patriotique Rwandaise (devenue
Force Rwandaise de Défense) contre les réfugiés rwandais à Kibeho, aux camps
des réfugiés en RDC et dans les forêts équatoriales où les réfugiés hutu ont
subi de pires atrocités qui pourraient être qualifiés d’actes de génocide selon
le Mapping Report rédigé par les experts mandatés par la Commission des Droits
de l’Hommes des Nations Unies et qui depuis, dort sur les étagères des Nations
Unies.
En outre le HCR, en complicité avec le Gouvernement
de Kigali vient de commettre une grande erreur en endossant la responsabilité
de mise en application de la clause de cessation du statut de réfugiés aux
rwandais réfugiés dans différents pays étrangers, sachant pertinemment que le
même gouvernement rwandais qui, après avoir exterminé les familles de ces
réfugiés, les a contraints à l’exil , les a poursuivis et les a massacré dans
leurs pays d’asile respectifs, et les traite aujourd’hui, dans les discours
officiels, d’ennemis de l’Etat et de mouches qu’il faut écraser avec un marteau. La cessation clause
du statut de réfugiés rwandais est purement et simplement un instrument de les
envoyer à la potence.
Excellence Monsieur le Haut-Commissaire des Nations
Unies pour les Réfugiés, compte tenu de toutes les considérations ci-haut
évoquées, le CSPR recommande:
1.
Que le HCR condamne publiquement et énergiquement le
gouvernement rwandais pour les massacres des réfugiés congolais, non armés, sur
le territoire rwandais;
2.
Qu’une enquête par une commission internationale
indépendante soit diligentée sur les massacres de Kiziba et de Karongi, que les
responsabilités soient établies, que les coupables soient jugés et punis et que
les familles des victimes soient indemnisées;[1]
3.
Que le HCR s’implique dans le processus de ramener les
réfugiés congolais qui le souhaitent dans leur pays d’origine au lieu de
soutenir le gouvernement rwandais dans sa volonté de les garder en otages;
4.
Que le HCR se préoccupe avant tout de la défense des intérêts
des réfugiés et non des intérêts obscurs des gouvernements qui les persécutent;
5.
Que les termes de l’application de la clause de cessation
pour les réfugiés rwandais soient revus en tenant compte des conditions de sécurité
au Rwanda, du comportement du gouvernement rwandais vis-à-vis du respect du
droit en matière de personnes réfugiées et des antécédents de ces réfugiés avec
le gouvernement en exercice au Rwanda;[2]
Avec l’espoir que vous daigneriez accorder à la
présente l’importance qu’elle mérite, nous vous prions d’accepter, Monsieur le Haut-Commissaire,
l’expression de notre très haute considération.
Mr.
Pascal Kalinganire
Coordinateur du
Comité de Suivi de la
Problématique
des Réfugiés Rwandais
Copie:
Honorable
Zeid Ra'ad Al Hussein
United Nations High Commissioner for Human Rights
Palais des Nations
CH-1211 Geneva 10, Switzerland
CH-1211 Geneva 10, Switzerland
Honorable Kenneth Roth
Executive Director of Human Rights Watch
350 Fifth Avenue,
34th Floor
New York, NY 10118-3299
Honorable Salil Shetty
Secretary General of Amnesty
International
1 Easton Street,
London, WC1X 0DW, UK
Honorable Mr. Richard
Muyej
Ministre de l'intérieur, Sécurité, Décentralisation et
affaires coutumières
République Démocratique du Congo
Honorable M. Raymond
Zéphyrin MBOULOU
Ministre de l’Intérieur et de la décentralisation,
République du Congo
Honorable Mr. Réné
Emmanuel SADI
Ministre de l'Administration Territoriale et de la
Décentralisation
République du Cameroun
Honorable Netumbo
Nandi-Ndaitwah
Deputy
Prime Minister and Minister of International Relations and Co-operation
Government
Building, Robert Mugabe Avenue,
Windhoek,
Namibia
Republic
of Namibia
Honorable Frans
Kapofi
Minister
of Home Affairs and Immigration
Cohen
Building, Windhoek, Namibia
Republic
of Namibia
Honorable Dr. Jean
Kalilani, M.P.
Minister
of Home Affairs and Internal Security
Republic
of Malawi
Honorable Mr.
Jaime Basílio Monteiro
Minister
of Interior
Republic
of Mozambique
Honorable Mr.
Malusi Gigaba
Minister
of Home Affairs
Republic
of South Africa
His Excellency
Steven Kampyongo
Minister
of Home Affairs
Republic
of Zambia
Honorable Dr. Ignatius
Chombo (MP)
Ministry
of Home Affairs
Republic
of Zimbabwe
[1] En vertu de la ratification, par
le Rwanda en 2008, du CCPR-OP2-DP - Deuxième Protocole facultatif se rapportant
au Pacte international relatif aux droits civils et politiques visant à abolir
la peine de mort, l’ONU a l’engagement moral de poursuivre le gouvernement
rwandais en cas d’exécution de civils non armés sur son territoire par ses
forces armées.
[2] En considération “des raisons impérieuses tenant à des persécutions
antérieures” (Convention et protocole relatifs au statut des réfugiés,
Art 1.C.5)
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