vendredi 2 mars 2018

RWANDA/CSPR/ Lettre à M. Filippo Grandi, Haut-Commissaire des Nations Unies pour les Réfugiés/ Contre l’attitude du HCR et sa complicité avec le gouvernement rwandais face aux massacres des réfugiés congolais du camp de Kiziba à l’Ouest du Rwanda.


Comité de Suivi de la Problématique des Réfugiés Rwandais (CSPR) 
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CSPR Is a coalition of Rwandan Civil Society and Political organizations in Diaspora on the Process and Application of the Cessation Clause applied on Rwandan refugees Fled between 1959 to December 31 1998.




Excellence M. Filippo Grandi                                                                                Le 1 Mars 2018 

Haut-Commissaire des Nations Unies pour les Réfugiés                                         N°: 008/CSPR/0318
Case Postale 2500
CH-1211 Genève 2 Dépôt
Suisse.
Fax : +41 22 739 7377


Objet: Contre l’attitude du HCR et sa complicité avec le gouvernement
             rwandais face aux massacres des réfugiés congolais du camp de
             Kiziba à l’Ouest du Rwanda.


Excellence Mr le Haut Commissaire,


Le Comité de Suivi pour la problématique des Réfugiés Rwandais (CSPR) et la Communauté internationale dans son ensemble viennent d’assister, impuissant, à des massacres par les armes à feu perpétrés par des services de l’ordre rwandais à l’encontre des réfugiés congolais installés depuis vingt ans dans le camp de Kiziba à l’Ouest du Rwanda.

Dans la soirée du 22 février 2018, les policiers et les commandos des forces spéciales de l’armée rwandaise lourdement armés ont tiré une salve de balles sur des réfugiés congolais, non armés, qui faisaient un sit-in au siège du Haut-Commissariat pour les Réfugiés à Karongi. Les revendications des réfugiés, sont notamment liées à la réduction de la ration alimentaire par personne qui, ces trois derniers mois a baissé de 35% et est actuellement évaluée à 0.2 dollars par jour et par personne.

Ces réfugiés expliquent leur recours à la manifestation pacifique par le fait qu’ils avaient épuisé toutes les démarches de dialogue possibles aussi bien avec les responsables du HCR qu’avec le gouvernement rwandais.

En effet, il ressort de ces malheureux événements que les revendications des réfugiés sont nombreuses et vont au-delà de la simple question de ration alimentaire. En recoupant les revendications des réfugiés, des rapports de différents experts, notamment ceux des Nations Unies, des investigations indépendantes et neutres ainsi que des événements passés et en cours au Rwanda et dans la Sous-région des Grands Lacs, nous sommes en mesure de confirmer la réalité suivante:

a)         Le HCR ne pouvait pas ignorer que, depuis des années, les militaires en civil et les services de renseignement du gouvernement rwandais grouillaient dans le camp des réfugiés de Kiziba pour y recruter des jeunes qui étaient ensuite enrôlés dans l’armée, dans la police ou dans les services de renseignement où ils sont notamment chargés d’exécuter de sales besognes comme l’assassinat et le kidnapping des voix critiques à l’intérieur comme à l’extérieur du pays

b)      Les réfugiés ne pouvaient pas élire librement leurs représentants puisque le gouvernement rwandais craignait que, une fois élus, les représentants intègres, allaient dénoncer ces pratiques illégales ;

c)      Le HCR ne pouvait pas ignorer que les dossiers de réinstallation des réfugiés congolais de Kiziba dans les pays tiers, en Europe, en Amérique ou en Australie étaient détournés et octroyés aux citoyens rwandais qui allaient servir les intérêts du gouvernement rwandais à l’étranger;

d)         Dans un camp de 17 000 réfugiés, peuplé en majorité d’enfants et autres personnes vulnérables soumis à une alimentation de moins de 0.2 dollar par jour, des cas de maladies chroniques et graves font l’objet du quotidien. Or, les transferts vers les hôpitaux spécialisés sont rares alors que l’infirmerie du camp ne dispense que des soins élémentaires;

e)         Le système inégalitaire et inéquitable clairement établi dans l’administration de soins et la distribution de nourriture dans le camp est en grave contradiction avec les conventions et principes sacrés d’équité des organisations des Nations Unies et organisations humanitaires;

Le Comité de Suivi de la Problématique des Réfugiés Rwandais (CSPR) regrette que le HCR, qui veille à la protection des réfugiés et le quotidien des camps, n’ait pu anticiper la tournure des événements alors que les doléances des réfugiés lui parvenaient depuis bien longtemps et que l’intolérance et la brutalité du gouvernement rwandais envers toute voix discordante sont bien connues et documentées. Est-ce un manque de réalisme ou une volonté délibérée de rester sourd aux revendications des réfugiés de la part du HCR? Quel que soit le cas, les dégâts ont été sans commune mesure et irréparables : des dizaines de familles ont perdu les leurs sous les balles d’un  gouvernement sensé les protéger mais hélas brutal et intolérant

Mais ce qui est grave encore, c’est l’attitude du HCR avant, durant et après la macabre double attaque des réfugiés par l’armée. En effet, pendant les trois jours du sit-in, au fur et à mesure que les militaires du gouvernement rwandais procédaient à l’encerclement et au renforcement de leur dispositif autour des réfugiés qui, rappelons-le, n’étaient ni armés ni violents, le HCR s’est lavé les mains déclarant remettre le sort des réfugiés dans les mains du gouvernement rwandais dont on connait pourtant la brutalité. En outre les communiqués du HCR, qui étaient en tous points des copies de ceux du gouvernement rwandais, demandaient aux réfugiés de regagner leur camp au lieu de les écouter et de proposer des solutions à leurs problèmes.

Le double assaut final des militaires (sur le sit-in des réfugiés devant le siège du HCR à Karongi et dans le camp des réfugiés à Kiziba) qui a été suivi en direct par le monde entier grâce à la  présence des reporters des médias nationaux et internationaux, n’a jamais été condamné par le HCR; ce dernier s’est tout simplement indigné de l’utilisation excessive des armes par les policiers et les militaires et a appelé aux deux parties à la retenue; ce qui est, en fin de compte, un aveu de reconnaissance de la légitimité de cette attaque mortelle! La complicité du HCR avec le gouvernement rwandais dans ces massacres est d’autant plus difficile à nier qu’après les massacres, la seule recommandation du HCR transmise dans son communiqué, est que le gouvernement rwandais fasse une enquête sur les massacres commis par les agents de ce dernier! Il a oublié de lui demander de se donner des sanctions si l’enquête l’incrimine!

Les massacres de réfugiés congolais sur son territoire prouvent à quel point le gouvernement rwandais est insensible aux malheurs des populations des Grands Lacs. Le contraire serait étonnant, si l’on considère que c’est ce même gouvernement qui traverse les frontières pour mener des guerres, tantôt ouvertes tantôt par des milices armées interposées dans les pays voisins; ce qui le rend, par conséquent, l’auteur de l’instabilité et de l’insécurité qui produisent ces réfugiés.

Par ailleurs, ces attaques rappellent celles commises, au vu et au su du HCR, par l’Armée Patriotique Rwandaise (devenue Force Rwandaise de Défense) contre les réfugiés rwandais à Kibeho, aux camps des réfugiés en RDC et dans les forêts équatoriales où les réfugiés hutu ont subi de pires atrocités qui pourraient être qualifiés d’actes de génocide selon le Mapping Report rédigé par les experts mandatés par la Commission des Droits de l’Hommes des Nations Unies et qui depuis, dort sur les étagères des Nations Unies.

En outre le HCR, en complicité avec le Gouvernement de Kigali vient de commettre une grande erreur en endossant la responsabilité de mise en application de la clause de cessation du statut de réfugiés aux rwandais réfugiés dans différents pays étrangers, sachant pertinemment que le même gouvernement rwandais qui, après avoir exterminé les familles de ces réfugiés, les a contraints à l’exil , les a poursuivis et les a massacré dans leurs pays d’asile respectifs, et les traite aujourd’hui, dans les discours officiels, d’ennemis de l’Etat et de mouches qu’il faut  écraser avec un marteau. La cessation clause du statut de réfugiés rwandais est purement et simplement un instrument de les envoyer à la potence.

Excellence Monsieur le Haut-Commissaire des Nations Unies pour les Réfugiés, compte tenu de toutes les considérations ci-haut évoquées, le CSPR recommande:

1.        Que le HCR condamne publiquement et énergiquement le gouvernement rwandais pour les massacres des réfugiés congolais, non armés, sur le territoire rwandais;

2.        Qu’une enquête par une commission internationale indépendante soit diligentée sur les massacres de Kiziba et de Karongi, que les responsabilités soient établies, que les coupables soient jugés et punis et que les familles des victimes soient indemnisées;[1]

3.        Que le HCR s’implique dans le processus de ramener les réfugiés congolais qui le souhaitent dans leur pays d’origine au lieu de soutenir le gouvernement rwandais dans sa volonté de les garder en otages;

4.        Que le HCR se préoccupe avant tout de la défense des intérêts des réfugiés et non des intérêts obscurs des gouvernements qui les persécutent;

5.        Que les termes de l’application de la clause de cessation pour les réfugiés rwandais soient revus en tenant compte des conditions de sécurité au Rwanda, du comportement du gouvernement rwandais vis-à-vis du respect du droit en matière de personnes réfugiées et des antécédents de ces réfugiés avec le gouvernement en exercice au Rwanda;[2]


Avec l’espoir que vous daigneriez accorder à la présente l’importance qu’elle mérite, nous vous prions d’accepter, Monsieur le Haut-Commissaire, l’expression de notre très haute considération.


Mr. Pascal Kalinganire

Coordinateur du Comité de Suivi de la 
Problématique des Réfugiés Rwandais



Copie:
Honorable Zeid Ra'ad Al Hussein
United Nations High Commissioner for Human Rights
Palais des Nations
CH-1211 Geneva 10, Switzerland

Honorable Kenneth Roth
Executive Director of Human Rights Watch
350 Fifth Avenue, 34th Floor
New York, NY 10118-3299

Honorable Salil Shetty
Secretary General of Amnesty International
1 Easton Street,
London, WC1X 0DW, UK


Honorable Mr. Richard Muyej
Ministre de l'intérieur, Sécurité, Décentralisation et affaires coutumières
République Démocratique du Congo

Honorable M. Raymond Zéphyrin MBOULOU
Ministre de l’Intérieur et de la décentralisation,
République du Congo

Honorable Mr. Réné Emmanuel SADI
Ministre de l'Administration Territoriale et de la Décentralisation
République du Cameroun



Honorable Netumbo Nandi-Ndaitwah
Deputy Prime Minister and Minister of International Relations and Co-operation
Government Building, Robert Mugabe Avenue,
Windhoek, Namibia
Republic of Namibia

Honorable Frans Kapofi
Minister of Home Affairs and Immigration
Cohen Building, Windhoek, Namibia
Republic of Namibia

Honorable Dr. Jean Kalilani, M.P.
Minister of Home Affairs and Internal Security
Republic of Malawi

Honorable Mr. Jaime Basílio Monteiro
Minister of Interior
Republic of Mozambique

Honorable Mr. Malusi Gigaba
Minister of Home Affairs
Republic of South Africa

His Excellency Steven Kampyongo
Minister of Home Affairs
Republic of Zambia 

Honorable Dr. Ignatius Chombo (MP) 
Ministry of Home Affairs
Republic of Zimbabwe




[1] En vertu de la ratification, par le Rwanda en 2008, du CCPR-OP2-DP - Deuxième Protocole facultatif se rapportant au Pacte international relatif aux droits civils et politiques visant à abolir la peine de mort, l’ONU a l’engagement moral de poursuivre le gouvernement rwandais en cas d’exécution de civils non armés sur son territoire par ses forces armées.

[2] En considération “des raisons impérieuses tenant à des persécutions antérieures” (Convention et protocole relatifs au statut des réfugiés, Art 1.C.5)



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