MÉMORANDUM SUR LA DESTRUCTION DES CAMPS
ET
MASSACRES DES RÉFUGIÉS RWANDAIS PAR L’APR 1996-1997
Vingt ans après la destruction des camps des réfugiés rwandais en
ex-Zaïre (actuelle RDC), les
Partis et formations politiques rwandais de la diaspora, AMAHORO PC, FDU -
Inkingi, PDP - Imanzi, PS - Imberakuri et Rwanda National Congress (RNC) réunis
au sein de la Plateforme P5 adressent
ce mémorandum aux responsables du HCR, la plus haute instance de protection des
réfugiés, pour qu’il prenne ses responsabilités et s’engage réellement à la
protection des réfugiés. Dans l’histoire du Rwanda,
le pays n’a jamais eu autant de réfugiés toutes ethnies et professions
confondues. C’est la première fois que le gouvernement rwandais poursuit les
réfugiés, ses opposants et ses critiques pour s’acharner à leur
harcèlement et les assassiner dans les
pays d’accueil.
Durant l’automne 1996, lors de l’invasion
par l’Armée patriotique Rwandaise (APR), et les AFDL de l’Est de l’Ex-Zaïre
(RDC), leurs premières cibles furent les réfugiés rwandais concentrés dans les
camps sous la « protection » et l’assistance du HCR.
Pour la première fois depuis sa fondation,
l’ONG Médecin sans frontières (MSF) a demandé une intervention militaire
immédiate pour éviter une catastrophe qui était si évidente. Le Comité
International de la Croix Rouge (CICR) s’est exprimé dans le même sens, mais
rien n’a été fait . Le nombre de victimes a été très important mais faute
de volonté politique ne sera peut-être jamais connu avec exactitude. Le HCR a
reçu beaucoup de rapports des ONG et des témoignages des rescapés mais rien n’a
été fait.
Le long calvaire des réfugiés rwandais et
leur traque par l’Armée Patriotique Rwandaise se sont poursuivis à travers les
forêts de l’ex-Zaïre. Ceux qui ne sont pas morts de balles, sont morts de
blessures, de manque de soins, de faim et d’épuisement. La traque et les
exécutions se sont poursuivies comme cela vous a été rapporté . Les lieux
de ces massacres comme Masisi, Shabunda, Tingitingi, Kisangani, Kasese,
Mbandaka,… figurent bel et bien dans le rapport du Projet Mapping Report du
Haut Commissariat des Nations Unies aux Droits de l’Homme, resteront à jamais
gravés dans les mémoires.
Un nombre considérable de réfugiés sont restés dans les forêts du
Congo, mais la propagande et amalgames de Kigali les traitent sans distinction
de criminels, alors que la majorité sont des innocents et victimes qui ont
besoin de protection et d’assistance. Le gouvernement congolais , en
collaboration avec le HCR, a récemment publie les chiffre d’un recensement de
plus de 245.000 refugies rwandais se trouvant actuellement sur le territoire
congolais ! Evidemment la majorité de ces réfugiés ont été abandonnés à
leur triste sort et ne reçoivent aucune assistance du HCR. Il est vrai que certains
de ces réfugiés ont pu rejoindre d’autres pays africains et une infime minorité
a eu la chance d’arriver dans les pays occidentaux.
Parmi ceux qui ont été rapatriés au Rwanda, il y en a qui ont déjà
perdu leur vie, d’autres portés disparus, sans parler de ceux qui sont accusés
de crimes montés de toutes pièces et condamnés à des peines lourdes lors de
simulacres de procès. Cet accueil a poussé pas mal d’entre eux qui en ont eu
l’opportunité, et même ceux qui n’avaient pas quitté le pays lors de la prise
du pouvoir par le FPR en 1994, à re/prendre le pays.
Après plus de 20 ans, le gouvernement actuel au
Rwanda n'a pas réussi à créer des conditions pour permettre aux réfugiés de
rentrer volontairement. Jusqu’aujourd’hui, on remarque un
nombre considérable de rwandais de toutes ethnies qui fuient encore le régime
du FPR ; certains sont poursuivis pour être assassinés dans les pays
d’accueil. Des cas d’enlèvements, de disparitions, et de morts des personnes
opposées à la politique du FPR sont monnaie courante.
C’est donc tout à fait tragique que les réfugiés
rwandais qui ne montrent pas leur allégeance au gouvernement actuel sont perçus
et considérés comme des ennemis, une menace pour le régime rwandais, qui
doivent être traqués. Les incidents les plus récents comprennent, entre autres,
trois tentatives d'assassinat contre le général Kayumba Nyamwasa, ancien chef d’Etat-Major réfugié en Afrique du Sud, l'ancien chef des
renseignements extérieurs Col Patrick Karegeya assassiné dans une chambre
d'hôtel en Afrique du Sud, l’ancien ministre de l’intérieur Seth Sendashonga et
l’ancien membre du Parlement colonel Lizinde Théoneste ont été abattus à
Nairobi, André Rwisereka, ancien vice-président des Verts décapité , un ancien
garde du corps qui avait servi le Président Kagame pendant 20 ans, le
lieutenant Joel Mutabazi, a été enlevé dans une maison sûre du HCR en Ouganda
en 2014 et ramené au Rwanda, Madame Illuminée IRAGENA,
l’assassinat déguisé en accident de Monsieur Assinapol Rwigara. La liste est sans fin.
Aussi la liste des personnes emprisonnées est
malheureusement très longue et ne cesse de s’allonger. Citons les plus connues
dont Madame Ingabire Umuhoza Victoire, Présidente des FDU, Mr Mushayidi Déo,
président du PDP - Imanzi, Dr Niyitegeka Théoneste, ex-candidat à l’élection
présidentielle de 2003, Mr Kizito Mihigo, chanteur, Mr Cassien Ntamuhanga,
Journaliste, Dr Mpozayo Christophe, Mr Sylvain Sibomana, Mr Icyitonderwa Jean –
Baptiste, Melle Gasengayire Leonille, le Major
Emmanuel Nkubana de nationalité Belge récemment disparu en Uganda. etc.
Le président Kagame continue d’encourager et
d’inciter les exécutions extrajudiciaires. En effet, après l'assassinat du
colonel Karegeya en Afrique du Sud, le Président Kagame a fait un discours dans
lequel il a déclaré: «Toute personne qui
trahit notre cause ou souhaite le mal à notre peuple en subira les
conséquences. Il est seulement question de savoir comment et quand il fera face
aux conséquences ».
Le Président Kagame a réitéré sa menace dans un
autre discours prononcé le 5 Juin 2014 Nyabihu dans la région nord-ouest du
Rwanda, au même endroit où des milliers de personnes ont été portées disparues.
A cette occasion, il a promis: « Nous
allons continuer à arrêter d'autres suspects et si possible tuer en plein jour,
ceux qui tentent de déstabiliser le pays ».
Le rapport de Freedom House 2015 a classé le Rwanda comme un pays sans liberté “no free county”. Dans son rapport de
2015, Reporters sans frontières indique que le Rwanda se classe 161 sur 180 en
termes de liberté des médias; Le rapport 2015 l’Institut « Global Peace
Index » sur la tendance de la paix dans le monde classe Rwanda 139e sur
162. Selon le sociologue UCLA Andreas Wimmer, le Rwanda est le troisième plus
haut niveau d'exclusion politique dans le monde (derrière le Soudan et la
Syrie) .
Les organisations indépendantes des droits de
l’homme notamment Human Rights Watch et Amnesty International ainsi que les
gouvernements, y compris les principaux alliés du gouvernement rwandais comme les
États-Unis et le Royaume-Uni, continuent à dénoncer les violations des droits
de l’homme au Rwanda.
Le rapport département d’état américain sur les
pratiques en droits de l'homme au Rwanda pour 2015 souligne entre
autres que : «Les plus importants
problèmes de droits humains dans le pays ont été le harcèlement, les
arrestations arbitraires des opposants politiques, des défenseurs des droits de
l'homme, et les individus perçus comme une menace au contrôle du gouvernement
et de l'ordre social; le mépris des forces de sécurité pour l'état de droit; et
les restrictions sur les libertés civiles. En raison des restrictions sur
l'enregistrement et le fonctionnement des partis d'opposition, les citoyens ne
sont pas capables de changer leur gouvernement par des élections libres et
équitables ». Le rapport mentionne également « des exécutions arbitraires ou illégales; la
torture et des conditions difficiles dans les prisons et centres de détention;
arrestation arbitraire; la détention préventive prolongée; violation du
gouvernement sur les droits de la vie privée des citoyens et sur les libertés
d'expression, de presse, de réunion et d'association ».
Dans son rapport (2014) à l'Assemblée générale de
l'ONU, son rapporteur spécial M. Maina Kai, mentionne que: «la crainte d'un nouveau génocide ne peut
être invoquée pour empêcher des libertés fondamentales de l'ONU dans toute
société, qui sont en fait nécessaires pour prévenir les conflits et le génocide »
et souligne que « une société sans
place pour les voix critiques de parler librement et pacifiquement est
insoutenable ».
Ce sont ces raisons réelles et vérifiables qui
empêchent les réfugiés de rentrer. Sur quelle base donc le HCR conclut les
accords sur la cause de cessation ?
Ce que veulent la majorité de réfugiés, c’est de pouvoir rentrer dans
leurs pays dignement et de pouvoir y jouir des droits et libertés comme tout
autre citoyen et non de se faire naturaliser par manque de choix. C’est donc
hors toute logique imaginable que le gouvernement de Kigali amène le HCR à retirer le statut de réfugié aux rescapés de ses massacres dans les pays où ils
ont pu trouver refuge.
En cette occasion du vingtième anniversaire de la destruction des
camps des réfugiés, nous demandons au HCR de cesser de récidiver en se rendant
complice de la dictature du général Kagame. Les HCR doit assumer pleinement ses
responsabilités dans la protection des réfugiés rwandais et réexaminer sa
décision de leur retirer la protection ou de céder à toute tentative d’un
retour forcé des réfugiés tant souhaité par le gouvernement de Kigali, qui ne
serait rien d’autre que le refoulement interdit par les textes régissant la
protection des réfugiés. Il va sans dire que pareille démarche non seulement
contribuerait à la détérioration des conditions déjà précaires de ces réfugiés,
mais aussi et surtout elle comporte le risque de créer un autre chaos dans les
pays d’accueil.
Nous saisissons cette opportunité pour rappeler au Conseil de donner
suite aux massacres des réfugiés rwandais explicitement rapportés par plusieurs
organismes et personnalités indépendantes comme ceux de MSF, le Mapping Report,
le Rapport Roberto Garreton… c’est une des conditions fondamentales pour la
réconciliation effective du peuple rwandais. La paix et la sécurité durables
dans les pays des grands lacs passent inéluctablement par la résolution
définitive du problème des réfugiés et des causes qui en sont à la base.
Fait à Bruxelles le 28/10/2016
Munyampeta Jean-Damascène
Président de la Plateforme
P5
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