LETTRE OUVERTE A MONSIEUR ALAIN BILLEN SUR LA
RESOLUTION DU PARLEMENT EUROPEEN
N° 2016/2910(RSP) CONCERNANT MADAME VICTOIRE
INGABIRE UMUHOZA
Cher Monsieur,
Dans votre édition du 19 octobre 2016[1], vous réagissez de façon outrancière suite à
l’adoption par le Parlement Européen de la Résolution n° 2016/2910. Les
FDU-Inkingi, Parti d’opposition démocratique et pacifique, constate et
déplore :
A.
Des a priori attentatoires à la vérité et à la justice
1.
S’agissant des tenants et
aboutissants de la visite de la délégation parlementaire, vous relevez que la
délégation devait se limiter à « apprendre » des réalisations du
Rwanda en matière des droits de la femme. Selon vous, la visite à l’endroit de
Mme INGABIRE et les critiques formulées sur le sort des droits civiques et
politiques, ne faisaient pas partie du domaine couvert par la visite de la
délégation parlementaire. Téméraire et vexatoire, vous allez jusqu’à présumer
un « agenda caché » de la part de la délégation parlementaire !
Cette position nous parait pour le moins
surprenante. En effet, une délégation du Parlement européen se serait-elle
déplacée uniquement pour voir les succès du pays, par ailleurs largement exagérés
par les chantres du régime ? A quoi aurait servi la mission si elle n’avait pas
tenté de s’informer sur les cas de femmes rwandaises privées de liberté, dont
entre autres la prisonnière politique Mme INGABIRE ?
2.
Quant au refus de
l’autorisation de visite par l’administration rwandaise, vous hypothéquez
d’ores et déjà votre jugement en qualifiant, a priori, de « raisons pertinentes » les motifs de refus
de l’autorisation de visite. Si nous nous référons à la lettre de Mme la
Ministre des Affaires Etrangères n° 2334/09.16/DEA/16 du 14 octobre 2016, nous
constatons que la demande a été faite contrairement à vos assertions. Le refus
de l’autorisation n’est même pas motivé, si ce n’est pour dire que Mme Victoire
Ingabire Umuhoza a été condamnée selon les lois du pays !
D’où tirez-vous donc les « raisons
pertinentes de refus » ?
Ceci montre à quel point vous prenez fait et
cause pour l’administration rwandaise, comme se doit tout journaliste rwandais
ayant accepté de servir la dictature rwandaise, vous-même étant depuis 2014
Journaliste de “KT PRESS” – “Kigali
Today” qui fait souvent échos des positions du gouvernement rwandais.
B.
Le Procureur Bis
1.
Faisant dans l’imposture et
vous érigeant en Procureur Bis ;
vous restez conséquent avec vous-même pour alléguer des demi-vérités
journalistiques commandés par Kigali. Ainsi vous rendez compte, mais d’une
façon oh combien partiale, du processus judiciaire dont a été l’objet Mme Victoire
INGABIRE Umuhoza. En effet, si vous aviez lu les jugements au 1er et
2ème degré, ainsi que les commentaires d’autorité y relatifs, vous
auriez constaté, entre autres, que le chef de collision avec les FDLR n’a pas
été retenu contre Mme INGABIRE. Encore une fois, vous vous faites simplement
l’écho d’une presse de caniveaux comme celle qui s’acharna sur Mme Victoire
Ingabire Umuhoza après son retour au Rwanda en 2010. Si vous vouliez rendre
compte du procès sur ce chef, pourquoi ne pas avoir rapporté, aussi, le fait
que les preuves présentées sur ce chef étaient fausses ?
2.
Au lieu de verser dans le
mensonge pur, avez-vous consulté des témoins crédibles qui ont pris position sur
le procès INGABIRE, comme Amnesty International, Human Rights Watch ou le
Parlement Européen ?
Ces organisations ont dénoncé les graves irrégularités
qui ont entaché le procès en première instance, qui n’a pas été jugé de manière
équitable. Dans son rapport, Amnesty
International attire l’attention sur des déclarations publiques préjudiciables
faites par le Président[2] du
Rwanda avant le procès ainsi que sur l’utilisation d’aveux de détenus au Camp
Kami, où on aurait eu recours à la torture pour leur extorquer lesdits aveux.
C’est alors qu’en mai 2013, après avoir témoigné contre Victoire Ingabire
devant la Haute Cour rwandaise en 2012, quatre témoins de l’accusation et un
co-accusé ont révélé à la Cour suprême que leurs témoignages avaient été falsifiés. Malgré ces anomalies, la Cour Suprême n’a pas entendu rectifier les
erreurs commises lors des procédures judiciaires antérieures vis-à-vis de
Madame INGABIRE. Bien au contraire, elle a alourdi sa peine en la condamnant le
13 décembre 2013 à 15 ans de prison ferme.
Par ailleurs, des responsables rwandais dont le
procureur général, ont affirmé que les inculpations formulées contre Victoire
INGABIRE n'étaient pas liées à ses contacts présumés avec les Interahamwe, mais
à l’impact que pouvait avoir son discours. C'est ainsi que le procureur général
Ngoga a lui-même déclaré :« Le problème c'est la philosophie sous-jacente. Ce n'est pas une
question de criminalité, mais de philosophie. L'insistance [sur l'obligation de
rendre des comptes pour les crimes de guerre du FPR] n'est pas fondée sur
l'inquiétude de voir un groupe oublié. Non, elle repose sur une tentative de
minimiser l'ensemble de l'opération génocidaire ».
3.
S’agissant de vos propos sur la
famille de Mme INGABIRE et sur son parti les FDU-Inkingi, vous prenez à votre
compte tout un ramassis de mensonges colportés par des journalistes indignes,ayant
certainement quelques intérêts à défendre au détriment de la probité morale
qu’exige le métier de journaliste. D’une part, vous savez que la stratégie du jugement
par contumace a été largement utilisée par les Gacaca pour faire taireses
opposants réels ou supposés. C’est certainement dans ce contexte que Mme
Thérèse Dusabe, mère de Mme INGABIRE aurait été condamnée.
En revanche, sur Mr Muyizere Lin, mari de Mme
INGABIRE, il s’agit là de nouveau de la stratégie
enclenchée aux Pays-Bas par le gouvernement rwandais depuis juin 2010 pour
poursuivre la politique de répression du gouvernement rwandais contre ses
opposants réels ou supposés. C’est pourquoi cette manœuvre machiavélique a commencé seulement quelques semaines après
la première arrestation de sa femme, en Avril 2010, et seulement quelques
semaines avant les élections présidentielles, dans la tentative désespérée de
briser moralement Mme Victoire Ingabire. Les fausses accusations portées contre
Lin Muyizere font partie de plusieurs litiges que les rwandais aux Pays-Bas ont
porté devant la justice néerlandaise et dont certains fondements se sont déjà
écroulés.
Les FDU INKINGI trouvent donc que
vous n’êtes ni le premier ni le dernier prototype de ceux qui s’improvisent en
spécialistes des problèmes rwandais pour vivre aux dépens des souffrances du
peuple rwandais, en encensant sans
réserves la dictature qui l’opprime.
Fait à Paris, le 23 Octobre 2016
Pour les FDU INKINGI
Dr Emmanuel Mwiseneza
Deuxième Secrétaire Général
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