Le gouvernement du Front Patriotique rwandais
persiste et intensifie la pression pour se voir confier les Archives du TPIR.
Cette démarche est loin d’être anodine. Il convient de rappeler l’importance
capitale des Archives du TPIR eu égard, notamment, à l’aboutissement de la
mission de justice en général et, en particulier, de l’enjeu crucial ayant
conduit à la création du TPIR.
Le processus judiciaire
du TPIR a été institué par la résolution du Conseil de Sécurité des Nations
Unies n° 955 du 08 novembre 1994. Au vu de la lettre de ladite résolution, la
mission assignée au Tribunal Pénal International pour le Rwanda est double :
-
punir les crimes internationaux ayant été perpétrés au
Rwanda en 1994 ;
-
aider le peuple rwandais à se réconcilier.
Force est de souligner qu’au-delà de l’objectif de
poursuites et de répression des crimes commis au Rwanda et dans la région des
Grands Lacs d’Afrique, le TPIR est d’abord et, avant tout, un cadre
international où devait être passé au peigne fin l’histoire dramatique du
Rwanda en vue de l’éclatement de la vérité, condition sine qua non pour une
réconciliation véritable des fils et filles du Rwanda. Dans un processus aussi
vital pour la nation, il est essentiel que toute la lumière soit faite sur le
rôle des uns et des autres dans le drame qui s’est abattu sur le Rwanda depuis
1990 jusqu’à aboutir au génocide d’une partie de la population du pays. En tout
état de cause, le Rwanda ne peut guérir de ses démons si un criminel ou un
groupe criminel, ayant joué un rôle central dans le processus suicidaire du
pays, reste aux commandes du pays.
Force est de rappeler que le Front Patriotique
Rwandais a été de bout en bout un acteur-clé du drame rwandais. En effet,
initiateur de la guerre qui a commencé le 1er octobre 1990 à partir
de l‘Ouganda, le FPR est sorti victorieux de la guerre et depuis, il a en
charge les destinées du Rwanda. Cependant, le rôle occupé depuis le début de la
crise rwandaise place le FPR dans une position délicate de juge et partie et,
de ce point de vue, le FPR ne devrait pas être dépositaire de l’héritage du
TPIR, Institution ayant géré l’histoire dramatique du Rwanda. En effet, pour
s’assurer l’impunité totale et pour des raisons psychologiques évidentes, le
gouvernement FPR refusera toujours que toute la lumière soit faite sur
l’histoire dramatique du Rwanda et, de ce point de vue, lui confier les
archives du TPIR serait compromettre définitivement le processus vérité et
justice essentiel pour le peuple rwandais traumatisé. La neutralité du FPR ne
peut être assurée, étant au départ et à l’arrivée du drame qui s’est abattu sur le Rwanda.
Ainsi, au-delà de ces considérations de caractère
général, il se dégage deux empêchements dirimants à ce que les archives du TPIR
soient confiées au gouvernement rwandais dominé par le Front Patriotique
Rwandais :
1.
La protection des
témoins
On sait qu’un témoin peut être protégé à sa demande, à celle de
l’Accusation, de la Défense, de la Section d’aide aux victimes et aux témoins
ou des juges. Ainsi, devant différentes chambres du TPIR, il y a eu plusieurs
types de témoins protégés : témoins sous pseudonyme, témoins autorisés à
déposer totalement ou partiellement. Dans tous les cas, le nom des témoins
protégés, ainsi que toute information permettant de les identifier, est
supprimé des documents publics du Tribunal afin de préserver l’anonymat des
témoins protégés. Toutes ces mesures visent à ce que l’identité du témoin, qui
est toujours révélée à l’accusé et à son conseil, ne soit pas divulguée au
public. Au regard de ce qui précède, c’est les Nations Unies qui doivent garder les
archives du TPIR, car ces archives contiennent l’identification de milliers de
témoins protégés qui, si leur identité est révélée au FPR, pourraient
subir de graves conséquences. Ces observateurs privilégiés du drame rwandais
qui, pour une question de sécurité, ont obtenu des garanties que leur identité
ne sera pas divulguée au public, sont des acteurs
du processus de justice pour le Rwanda et, comme tels, ne peuvent être révélés
au FPR qui n’a jamais fait preuve de neutralité dans la gestion
juridictionnelle du drame rwandais.
2.
Le défaut de neutralité
du gouvernement rwandais
Lors de l’administration de la preuve devant les
différentes chambres du TPIR et tout au long des débats, une masse de pièces à
convictions, de témoignages factuels, de témoignages de contexte et de
témoignages d’experts ont abondamment établi la responsabilité de la rébellion
du FPR dans le cours des événements sanglants ayant secoué le Rwanda. Des
témoins experts de la défense ont, entre autres, éclairé les différentes
chambres du TPIR sur les choix politiques et stratégiques du FPR ayant transformé
la guerre de libération nationale en un bain de sang. Voilà pourquoi le
gouvernement dominé par le FPR a tout fait pour étouffer la vérité sur le cours
de la guerre et les différentes étapes l’ayant fait parvenir à la victoire
politique et militaire.
Ceci étant, le gouvernement dominé par le FPR, s’il
recevait les archives, il ne pourrait pas s’empêcher de tripatouiller les
différents dossiers pour extirper toutes les preuves de sa responsabilité dans
le drame rwandais. Par ailleurs, non content que certains anciens dignitaires
du régime Habyarimana aient été acquittés par le TPIR, le gouvernement ne
s’empêcherait pas de relancer les poursuites dans des dossiers clôturés. On se
souvient que dans plusieurs cas, le gouvernement rwandais a organisé des manifestations-monstres
pour dénoncer les acquittements et, en même temps, lancer de nouvelles
accusations contre des personnes fraîchement acquittées par le TPIR.
Pour toutes ces raisons, les FDU-Inkingi recommandent
fermement de refuser catégoriquement au gouvernement rwandais toutes
prétentions à la gestion des archives du TPIR.
Fait à Bruxelles le
25/1/2016
Justin Bahunga
Commissaire chargé des Relations extérieures aux
FDU-Inkingi et Porte-parole des FDU-Inkingi.
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